Lecture d'un commentaire (19033)


Nb 16,3

Commentaire: KORAH ABUSE DE MOISE ET DE LA TORAH
Puis Koré se rendit auprès du peuple pour l'inciter à la rébellion contre Moïse, et en particulier contre les tributs imposés au peuple par Moïse aux prêtres. Afin que le peuple soit en mesure de se faire une idée juste de l'oppression que représentent ces tâches, Koré leur raconta l'histoire suivante, qu'il avait inventée: «Il y avait dans mon voisinage une veuve avec deux filles, qui possédaient pour leur subsistance un champ dont le rendement était tout juste suffisant pour leur permettre de conserver leur corps et leur âme. Lorsque cette femme se mit à labourer son champ, Moïse apparut et dit: «Tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne ensemble». Lorsqu'elle commença à semer, Moïse apparut et dit: «Tu ne sèmeras pas avec des graines diverses». Lorsque les premiers fruits apparurent dans le champ de la pauvre veuve, Moïse apparut et lui dit de les apporter aux prêtres, car c'est à eux que sont dus «les premiers de tous les fruits de la terre» ; et lorsque vint le moment de les couper, Moïse apparut et lui ordonna «de ne pas moissonner entièrement les coins du champ, de ne pas ramasser les glanures de la moisson, mais de les laisser aux pauvres». Lorsqu'elle eut fait tout ce que Moïse lui avait ordonné et qu'elle fut sur le point de battre le grain, Moïse apparut de nouveau et dit: «Donnez-moi les offrandes, la première et la seconde dîme pour le prêtre». Lorsque la pauvre femme s'aperçut enfin qu'elle ne pouvait plus vivre du produit de son champ après avoir prélevé tous les tributs que Moïse lui avait imposés, elle vendit le champ et acheta des brebis avec le produit de la vente, dans l'espoir de pouvoir bénéficier sans problème de la laine et des petits des brebis. Mais elle se trompait. Lorsque le premier-né de la brebis naquit, Aaron apparut et le réclama, car le premier-né appartient au prêtre. Elle fit la même expérience avec la laine. Au moment de la tonte, Aaron réapparut et réclama «le premier de la toison de la brebis», qui, selon la loi de Moïse, lui appartenait. Non content de cela, il réapparut plus tard et demanda une brebis sur dix à titre de dîme, ce qui, selon la loi, lui revenait également. Mais c'en était trop pour la femme qui souffrait depuis longtemps, et elle égorgea le mouton, pensant qu'elle pouvait maintenant se sentir en sécurité, en pleine possession de la viande. Mais elle est loin du compte ! Aaron apparut et, se fondant sur la Torah, réclama l'épaule, les deux joues et la gueule. Hélas, s'écrie la femme, l'égorgement du mouton ne m'a pas délivrée de tes mains. Que la viande soit donc consacrée au sanctuaire ! Aaron répondit: «Tout ce qui est consacré en Israël m'appartient. Il sera donc tout à moi. Il s'en alla, emportant la viande des brebis, et laissant derrière lui la veuve et ses filles qui pleuraient amèrement. De tels hommes, dit Koré en terminant son récit, sont Moïse et Aaron, qui font passer leurs mesures cruelles pour des lois divines. (567)
Piquée au vif par de tels discours, la horde de Koré se présenta devant Moïse et Aaron, en disant: «Le fardeau que vous nous imposez est plus lourd que celui des Égyptiens ; et comme, depuis l'incident des espions, nous sommes obligés d'offrir chaque année à la mort quinze mille hommes, nous aurions mieux fait de rester en Égypte.» Ils reprochèrent aussi à Moïse et à Aaron un amour injustifié du pouvoir, en disant: Sur le Sinaï, tout Israël a entendu les paroles de Dieu: «Je suis ton Seigneur». Pourquoi donc vous élevez-vous au-dessus de l'assemblée du Seigneur ?» Ils ne connaissent pas de limites dans leurs attaques contre Moïse ; ils l'accusent de mener une vie immorale et recommandent même à leurs femmes de s'éloigner de lui (569). Ils ne s'arrêtèrent d'ailleurs pas aux paroles, mais ils voulurent lapider Moïse, (570) quand enfin il chercha la protection de Dieu et l'appela à son aide. Il dit: «Peu m'importe qu'ils m'insultent ou qu'ils insultent Aaron, mais j'insiste pour que l'insulte de la Torah soit vengée. Si ces hommes meurent de la mort commune à tous les hommes, je deviendrai moi-même mécréant et je déclarerai que la Torah n'a pas été donnée par Dieu.» (571)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg