Lecture d'un commentaire (19007)


Nb 11,31

Commentaire: LES CAILLES
La prophétie de ces hommes concernant les cailles se réalisa comme ils l'avaient prédit, les cailles n'étant pas, comme Dieu l'avait annoncé à Moïse, une bénédiction pour le peuple. En effet, Dieu avait dit à Moïse «Dis au peuple de se préparer à un châtiment imminent ; il mangera de la chair à satiété, mais alors il la détestera plus qu'il ne la convoite aujourd'hui. Je sais cependant comment ils en sont venus à avoir de tels désirs. Parce que Ma Shekinah est parmi eux, ils se croient tout permis. Si J'avais retiré Ma Shekinah du milieu d'eux, ils n'auraient jamais nourri un désir aussi insensé». Moïse, sachant que l'exaucement du souhait du peuple serait désastreux pour lui, dit à Dieu: «Seigneur, pourquoi, je te prie, leur donnes-tu d'abord de la chair, puis, pour les punir de leur péché, les fais-tu mourir ? Qui a jamais entendu quelqu'un dire à un âne: «Voici une mesure de blé ; mange-la, car nous voulons lui couper la tête ? Ou à un homme: «Voici un pain pour toi ; prends-le, et va-t'en en enfer avec lui» ? Dieu répondit: «Alors, que ferais-tu ?» Moïse: «J'irai vers eux et je leur ferai entendre raison pour qu'ils cessent de convoiter la chair. Dieu: «Je peux te dire d'avance que tes efforts en la matière seront vains.» Moïse se tourna vers le peuple et lui dit: «La main de l'Éternel s'est-elle raccourcie ? Voici qu'il a frappé le rocher, et les eaux ont jailli, et les torrents ont débordé ; il peut aussi donner du pain ; ne peut-il pas fournir de la chair à son peuple ?» Mais le peuple dit: «Tu cherches seulement à nous apaiser ; Dieu ne peut pas exaucer notre vœu.» Mais ils se trompaient lourdement, car à peine les pieux s'étaient-ils retirés dans leurs tentes, que sur les impies, restés en plein air, tombèrent des cailles en masses aussi épaisses que des flocons de neige, de sorte que beaucoup plus furent tués par la descente des cailles que plus tard par leur dégustation. Les cailles arrivèrent en si grande quantité qu'elles remplirent entièrement l'espace entre le ciel et la terre, jusqu'à recouvrir le disque solaire, et s'installèrent au nord et au sud du camp, comme s'il s'agissait d'une journée de marche, non pas directement sur le sol, mais à deux coudées au-dessus, afin que les gens n'aient pas à se pencher pour les ramasser. Compte tenu de cette abondance, il n'est pas surprenant que même ceux qui ne pouvaient pas aller loin et ceux qui étaient paresseux aient ramassé chacun cent kor. Ces grandes quantités de chair ne leur profitaient cependant pas, car à peine y avaient-ils goûté qu'ils rendaient l'âme. Tel fut le châtiment des grands pécheurs, tandis que les meilleurs d'entre eux goûtèrent la chair pendant un mois avant de mourir, tandis que les pieux, sans souffrir, attrapèrent les cailles, les égorgèrent et s'en régalèrent. Ce fut le coup le plus rude qui fût tombé sur Israël depuis sa sortie d'Égypte, et, en mémoire des nombreux hommes qui avaient péri à cause de leur désir interdit de la chair, on changea le nom du lieu où ce malheur s'était produit en celui de Kibroth-hattaavah, «Fosses de ceux qui ont désiré». [Le vent qui s'était levé pour apporter les cailles était une tempête si puissante qu'elle aurait pu détruire le monde, tant était grande la colère de Dieu contre le peuple ingrat, et ce n'est que grâce aux mérites de Moïse et d'Aaron que ce vent a finalement laissé le monde sur ses gonds. (487)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg