Lecture d'un commentaire (18887)


Gn 41,45

Commentaire: ASENATH
Dieu donne à chaque homme la femme qu'il mérite (431), et c'est ainsi qu'Asenath était digne d'être la compagne de Joseph le pieux. Son père était Potiphar, l'un des magnats de Pharaon, l'un des plus distingués d'entre eux par sa sagesse, sa richesse et son rang. Sa fille était mince comme Sarah, belle comme Rébecca et rayonnante comme Rachel. Des nobles et des princes demandèrent sa main à l'âge de dix-huit ans. Même le successeur désigné de Pharaon, son fils aîné, la demanda en mariage, mais son père refusa d'accéder à son désir, parce qu'il ne la considérait pas comme une épouse convenable pour celui qui était destiné à s'asseoir sur le trône. La fille du roi moabite, insista-t-il, lui convenait mieux. Mais Asenath rejeta toutes les propositions de mariage et évita tout rapport avec les hommes. Avec sept jeunes filles nées le même jour qu'elle, elle vivait retirée dans un magnifique palais attenant à celui de ses parents.
Au cours de la première des sept années d'abondance, Joseph envisagea de se rendre à l'endroit où résidait Potiphar et lui fit savoir qu'il l'hébergerait dans sa maison. Potiphar était enchanté de l'honneur qui l'attendait et de l'occasion qu'il aurait de marier Asenath et Joseph. Mais lorsqu'il dévoile son projet à sa fille, celle-ci le rejette avec indignation. «Pourquoi veux-tu me voir unie à un vagabond, à un esclave, s'écria-t-elle, qui n'appartient même pas à notre nation, mais qui est le fils d'un bouvier cananéen, un homme qui a attenté à l'honneur de sa maîtresse et qui, en punition de ce méfait, a été jeté en prison, d'où il a été libéré par Pharaon parce qu'il avait interprété son rêve ? Non, père, jamais je ne deviendrai sa femme. Je suis prête à épouser le fils de Pharaon, le futur souverain et roi d'Égypte».
Potiphar promit à sa fille de ne plus parler de ce projet. A ce moment-là, on annonça l'arrivée de Joseph, et Asenath quitta la présence de ses parents et se retira dans ses propres appartements. Se tenant près de la fenêtre, elle vit passer Joseph, et elle fut tellement transportée par sa divine beauté et son indescriptible noblesse qu'elle éclata en sanglots et dit: «Pauvre et sotte que je suis, que va-t-il se passer pour moi ? Je me suis laissée tromper par des amis qui m'ont dit que Joseph était le fils d'un berger de Canaan. Maintenant, je vois la splendeur qui émane de lui comme la splendeur du soleil, illuminant notre maison de ses rayons. Dans mon audace et ma folie, je l'avais méprisé, et j'avais proféré contre lui des absurdités. Je ne savais pas qu'il était fils de Dieu, comme il doit l'être, car il n'y a pas parmi les hommes une beauté comme la sienne. Je te prie, ô Dieu de Joseph, de me pardonner ! C'est mon ignorance qui m'a fait parler comme une insensée. Si mon père veut bien me donner en mariage à Joseph, je serai à lui pour toujours.»
Entre-temps, Joseph s'était assis à la table de Potiphar, et il aperçut une jeune fille qui le regardait d'une des fenêtres du palais. Il ordonna qu'on l'éloigne, car il ne permettait jamais aux femmes de le regarder ou de s'approcher de lui. Sa beauté surnaturelle fascinait toujours les nobles dames égyptiennes, qui ne ménageaient pas leurs efforts pour l'approcher. Mais leurs tentatives étaient vaines. Il chérissait les paroles de son père Jacob, qui avait recommandé à son fils de se tenir à l'écart des femmes des nations.
Potiphar expliqua à Joseph que la jeune fille à la fenêtre était sa fille vierge, qui ne permettait jamais aux hommes de s'approcher d'elle ; il était le premier homme qu'elle regardait. Le père continua et demanda à Joseph de permettre à sa fille de lui présenter ses respects. Joseph accorda la faveur qu'il désirait, et Asenath apparut et le salua en disant: «La paix soit avec toi, toi qui es béni par le Dieu Très-Haut», ce à quoi Joseph répondit: «Sois bénie par le Seigneur, de qui découlent toutes les bénédictions».
Asenath voulut aussi embrasser Joseph, mais celui-ci repoussa cette salutation intime par ces mots: «Il n'est pas convenable qu'un homme craignant Dieu, qui bénit le Dieu vivant, qui mange le pain béni de la vie, qui boit la coupe bénie de l'immortalité et de l'incorruptibilité, et qui s'oint de l'huile parfumée de la sainteté, embrasse une femme d'un peuple étranger, qui bénit des idoles mortes et inutiles, qui mange le pain putride de l'idolâtrie, qui étouffe l'âme de l'homme, qui boit les libations de la tromperie, et qui s'oint de l'huile de la ruine.»
Ces paroles prononcées par Joseph touchèrent Asenath jusqu'aux larmes. Par compassion pour elle, il lui accorda sa bénédiction, appelant Dieu à répandre son esprit sur elle et à la faire devenir membre de son peuple et de son héritage, et à lui accorder une part dans la vie éternelle.


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg