Lecture d'un commentaire (18865)


Gn 39,20

Commentaire: JOSEPH EN PRISON
Pour avoir trahi ses dix frères devant son père, Joseph dut languir dix ans dans la prison à laquelle les ruses des trafiquants l'avaient tour à tour condamné (136); mais, d'autre part, comme il avait sanctifié le nom de Dieu devant le monde par sa chasteté et sa fermeté, il en fut récompensé. La lettre He, qui apparaît deux fois dans le nom de Dieu, fut ajoutée à son nom. Il avait été appelé Joseph, mais maintenant il était aussi appelé Jehoseph (137).
Bien qu'il soit en prison, Joseph n'est pas encore à l'abri des machinations de sa maîtresse, dont la passion pour lui n'est en rien diminuée. En effet, c'est elle qui avait incité son mari à changer d'avis sur Joseph ; elle l'avait poussé à emprisonner l'esclave plutôt qu'à le tuer, car elle espérait qu'en tant que prisonnier, il se plierait plus facilement à ses désirs. Elle parla à son mari en disant: «Ne détruis pas ton bien. Jette l'esclave en prison et garde-le jusqu'à ce que tu puisses le vendre et récupérer l'argent que tu as payé pour lui» (138). Elle avait ainsi l'occasion de rendre visite à Joseph dans sa cellule et d'essayer de le persuader de faire sa volonté. Elle disait: «Je t'ai fait subir tel ou tel outrage, et puisque tu vis, je t'en ferai subir d'autres encore si tu ne m'obéis pas». Mais Joseph répondait: «Le Seigneur fait justice aux opprimés.»
Zuleika: «Je pousserai les choses si loin que tous les hommes te haïront.»
Joseph: «Le Seigneur aime les justes».
Zuleika: «Je te vendrai sur une terre étrangère.»
Joseph: «Le Seigneur protège les étrangers» (139).
Elle recourt alors à des séductions pour obtenir son désir. Elle lui promettait de le libérer de la prison s'il accédait à son désir. Mais il disait: «Mieux vaut rester ici que d'être avec toi et de commettre une faute contre Dieu.» Zuleika continua longtemps à rendre visite à Joseph en prison, mais quand elle vit que tous ses espoirs étaient vains, elle le laissa tranquille (140).
Comme la maîtresse persistait dans son amour pour Joseph, son maître, son mari, ne pouvait pas se séparer de son esclave préféré. Bien que prisonnier, Joseph continua à répondre aux besoins de Potiphar, et il reçut la permission du gardien de la prison de passer une partie de son temps dans la maison de son maître (141). De bien d'autres façons, le geôlier se montra bien disposé à l'égard de Joseph. Voyant le zèle et la conscience du jeune homme dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, et sous le charme de sa beauté enchanteresse, il rendit la vie carcérale aussi facile que possible pour son protégé. Il lui commanda même de meilleurs plats que ceux que l'on sert habituellement dans les prisons, et il trouva superflu de veiller sur Joseph, car il ne voyait rien de mal en lui, et il constata que Dieu était avec lui, dans les bons comme dans les mauvais jours. Il le nomma même surveillant de la prison, et les autres prisonniers obeissaient à ce que Joseph décidait (142).
Pendant longtemps, le peuple ne parla que de l'accusation portée contre Joseph par sa maîtresse. Pour détourner de lui l'attention du public, Dieu ordonna que deux grands officiers, le grand échanson et le maître boulanger, offensent leur seigneur, le roi d'Égypte, et qu'ils soient enfermés dans la maison du chef des gardes. Le peuple cessa de parler de Joseph et se contenta d'évoquer le scandale de la cour. On accusait les nobles prisonniers d'avoir attenté à la vie de la fille de Pharaon et d'avoir comploté d'empoisonner le roi lui-même. En outre, ils s'étaient montrés négligents dans leur service. Dans le vin que le grand échanson avait donné à boire au roi, une mouche avait été découverte, et le pain placé sur la table royale par le chef des boulangers contenait un petit caillou» (143). En raison de toutes ces transgressions, ils furent condamnés à mort par Pharaon, mais pour l'amour de Joseph, la Providence divine avait ordonné que le roi les retienne d'abord en prison avant d'ordonner leur exécution. Le Seigneur n'avait allumé la colère du roi contre ses serviteurs que pour que le désir de liberté de Joseph soit exaucé, car ils étaient les instruments de sa délivrance de la prison, et bien qu'ils fussent condamnés à mort, le gardien de la prison, en considération des fonctions élevées qu'ils avaient occupées à la cour, leur accorda des privilèges, comme, par exemple de désigner un homme pour les servir, et celui qui fut désigné à cet effet fut Joseph. (144) 1)
Le grand échanson et le maître boulanger étaient en prison depuis dix ans (145), lorsqu'ils eurent tous deux un songe ; mais, pour ce qui est de l'interprétation, chacun n'eut que le songe de l'autre (146). Le Mtn, lorsque Joseph leur apporta de l'eau pour se laver, il les trouva tristes et abattus ; et, à la manière des sages, il leur demanda pourquoi ils avaient ce jour-là un aspect différent des autres jours. Ils lui dirent: «Nous avons fait un rêve cette nuit, et nos deux rêves se ressemblent en certains points, et il n'y a personne qui puisse les interpréter.» Joseph leur répondit: «Dieu donne à l'homme l'intelligence pour interpréter les songes. Je vous prie de me le dire.» (147) C'est en récompense de l'attribution de la grandeur et du mérite à Celui à qui ils appartiennent que Joseph parvint plus tard à sa haute position (148).
Le grand échanson raconta son rêve: «Dans mon rêve, voici qu'une vigne était devant moi, et dans la vigne il y avait trois branches, et il semblait qu'elle bourgeonnaient, et que les fleurs poussaient, et que les grappes produisaient des raisins mûrs ; et la coupe de Pharaon était dans ma main ; et je pris les raisins, et je les pressai dans la coupe de Pharaon, et je donnai la coupe dans la main de Pharaon.» Le grand échanson ne savait pas que son rêve contenait une prophétie sur l'avenir d'Israël, mais Joseph en discerna le sens profond (149), et il interpréta le rêve de la manière suivante: Les trois branches sont les trois Pères, Abraham, Isaac et Jacob, dont les descendants en Égypte seront rachetés par trois chefs, Moïse, Aaron et Miriam ; et la coupe remise dans la main de Pharaon est la coupe de la colère qu'il devra vider à la fin. Joseph garda pour lui l'interprétation de son rêve et n'en dit rien au grand échanson ; mais, reconnaissant de la bonne nouvelle de la délivrance d'Israël de l'esclavage d'Égypte, il lui donna une interprétation favorable de son rêve et le pria de se souvenir de lui lorsque tout irait bien pour lui et qu'il serait libéré du cachot dans lequel il était confiné.
Lorsque le chef des boulangers entendit l'interprétation du rêve du grand échanson, il sut que Joseph en avait correctement perçu le sens, car il avait vu dans le sien l'interprétation du rêve de son ami, et il raconta à Joseph ce qu'il avait rêvé pendant la nuit: «J'étais moi aussi dans mon rêve, et voici que trois corbeilles de pain blanc étaient sur ma tête ; dans la corbeille supérieure, il y avait toutes sortes de pâtisseries pour Pharaon, et les oiseaux les mangeaient dans la corbeille qui était sur ma tête». Ce rêve contient également une prophétie concernant l'avenir d'Israël: Les trois corbeilles représentent les trois royaumes auxquels Israël sera soumis, Babylone, la Médie et la Grèce ; la corbeille supérieure indique la méchante domination de Rome, qui s'étendra sur toutes les nations du monde, jusqu'à ce que vienne l'oiseau, qui est le Messie, et qu'il anéantisse Rome. Là encore, Joseph garda la prophétie secrète. Il ne donna au chef des boulangers que l'interprétation qui se rapportait à sa personne, mais elle lui était défavorable, car par son rêve Joseph avait été mis au courant des souffrances qu'Israël aurait à subir.
Le jour où Joseph expliqua aux deux prisonniers de marque le sens de leurs rêves, un fils naquit à Pharaon et, pour célébrer ce joyeux événement, le roi organisa pour ses princes et ses serviteurs un festin qui devait durer huit jours. Il les invita à sa table, ainsi que tout le peuple, et les régala de ses fastes royaux. La fête commença le troisième jour après la naissance de l'enfant, et à cette occasion le grand échanson fut rétabli dans ses fonctions et le boulanger fut pendu (151), car les conseillers de Pharaon avaient découvert que ce n'était pas la faute du grand échanson si la mouche était tombée dans le vin du roi, mais que le boulanger avait été coupable d'imprudence en laissant le caillou se glisser dans le pain (152). De même, il apparut que le grand échanson n'avait pris aucune part à la conspiration pour empoisonner le roi, tandis que le boulanger fut rdémasqué comme l'un des conspirateurs, et qu'il dut expier son crime par sa vie (153).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg