Lecture d'un commentaire (18841)


Gn 30,26

Commentaire: JACOB S'ENFUIT DEVANT LABAN
Jacob n'attendait que la naissance de Joseph pour commencer les préparatifs de son voyage de retour. L'Esprit Saint lui avait révélé que la maison de Joseph détruirait la maison d'Ésaü, et c'est pourquoi Jacob s'était exclamé à la naissance de Joseph: «Maintenant, je n'ai plus à craindre Ésaü ni ses légions» (203).
Vers ce temps-là, Rébecca envoya à Jacob sa nourrice Débora, fille d'Uz, accompagnée de deux serviteurs d'Isaac, pour l'engager à retourner dans la maison de son père, après quatorze ans de service. Jacob s'approcha de Laban et lui dit: «Donne-moi mes femmes et mes enfants, afin que j'aille chez moi et dans mon pays, car ma mère m'a envoyé des messagers pour me prier de retourner dans la maison de mon père» (204). Laban répondit: «Oh ! si je trouvais grâce à tes yeux ! Un signe m'a fait connaître que Dieu me bénit à cause de toi.» Laban pensait au trésor qu'il avait trouvé le jour où Jacob était venu le trouver, et il le considérait comme un gage de ses pouvoirs bienfaisants (205) ; en effet, Dieu avait fait beaucoup de choses dans la maison de Laban qui témoignaient des bénédictions répandues par les pieux. Peu de temps avant l'arrivée de Jacob, une peste s'était déclarée parmi le bétail de Laban, et elle cessa avec son arrivée (206). Laban n'avait pas eu de fils, mais pendant le séjour de Jacob à Haran, il lui naquit des fils (207).
Tout ce qu'il demanda en échange de son travail et des bienfaits qu'il avait apportés à Laban, c'était la tachetée et la mouchetée parmi les chèvres de son troupeau, et la noire parmi les brebis. Laban accepta ses conditions et dit: «Je voudrais qu'il en fût ainsi, selon ta parole.» Le grand méchant Laban, qui avait la langue bien pendue et qui faisait toutes sortes de promesses qui n'étaient jamais tenues, jugeait les autres par lui-même et soupçonnait donc Jacob de vouloir le tromper (208). Et pourtant, en fin de compte, c'est Laban lui-même qui n'a pas tenu sa parole. Il modifia cent fois l'accord conclu entre eux. Mais sa conduite injuste ne servit à rien. Bien qu'il y eût trois jours de Mche entre les troupeaux de Laban et ceux de Jacob, les anges avaient l'habitude de faire descendre les brebis de Laban vers les brebis de Jacob, et les troupeaux de Jacob devenaient toujours plus grands et meilleurs (209). Laban n'avait donné à Jacob que les faibles et les malades, mais les jeunes du troupeau, élevés sous la surveillance de Jacob, étaient d'une qualité si excellente qu'on les achetait à prix d'or (210). Et Jacob n'avait pas besoin de recourir aux baguettes pelées. Il n'avait qu'à parler, et les troupeaux se multipliaient selon son désir (211). Ce que Laban méritait, c'était la ruine totale, pour avoir permis au pieux Jacob de travailler pour lui sans salaire, et après que son salaire eut été changé dix fois, et dix fois que Laban eut essayé de le dépasser, Dieu le récompensa de cette manière (212). Mais sa chance avec les troupeaux n'était que ce que Jacob méritait. Tout travailleur fidèle est récompensé par Dieu dans ce monde, sans se soucier de ce qui l'attend dans le monde à venir (213). C'est les mains vides que Jacob s'est rendu chez Laban, et il l'a quitté avec des troupeaux au nombre de six cent mille. Leur accroissement avait été merveilleux, un accroissement qui ne sera égalé qu'au temps messianique (214).
La richesse et la bonne fortune de Jacob excitèrent la jalousie de Laban et de ses fils, et ils ne purent cacher leur mécontentement dans leurs rapports avec lui. Le Seigneur dit à Jacob: «Le visage de ton beau-père n'est plus le même qu'autrefois, et tu restes avec lui. Retourne plutôt dans le pays de tes pères, et là je ferai reposer sur toi ma Shekinah, car je ne puis permettre à la Shekinah de résider hors de la Terre sainte. (215) Aussitôt Jacob envoya le messager de la flotte, Nephtali (216), auprès de Rachel et de Léa pour les convoquer à un entretien, et il choisit comme lieu de rencontre un champ ouvert, où personne ne pouvait entendre ce qui se disait (217).
Ses deux femmes approuvèrent le projet de retour dans sa maison, et Jacob résolut aussitôt de partir avec tous ses biens, sans même faire part de son intention à Laban. Laban était parti tondre ses moutons, et Jacob put ainsi exécuter son projet sans délai.
Pour que son père n'apprenne pas leur fuite par ses théraphim, Rachel les déroba, les prit et les cacha sur le chameau sur lequel elle était assise, et elle partit. Voici comment on fabriquait les statues: on prenait un homme qui était le premier-né de la famille, on le tuait, on lui arrachait les cheveux, on salait la tête, on l'oignait d'huile, on écrivait le Nom sur une petite tablette de cuivre ou d'or, et on la mettait sous la langue de l'homme. La tête avec la tablette sous la langue était alors placée dans une maison où des lumières étaient allumées devant elle, et au moment où ils se prosternaient devant elle, elle leur parlait sur toutes les questions qu'ils lui demandaient, et cela était dû à la puissance du Nom qui était écrit dessus (218).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg