Lecture d'un commentaire (18788)


Gn 8,16

Commentaire: NOÉ QUITTE L'ARCHE
Bien que la terre ait repris son ancienne forme à la fin de l'année de punition, Noé n'a pas abandonné l'arche avant d'avoir reçu l'ordre de Dieu de la quitter. Il se dit: «De même que je suis entré dans l'arche sur l'ordre de Dieu, de même je n'en sortirai que sur son ordre». Cependant, lorsque Dieu ordonna à Noé de sortir de l'arche, il refusa, parce qu'il craignait qu'après avoir vécu sur la terre ferme pendant un certain temps et avoir engendré des enfants, Dieu ne provoque un nouveau déluge. Il ne quitta donc pas l'arche tant que Dieu n'eut pas juré qu'il ne visiterait plus jamais la terre par un déluge (48).
Lorsqu'il sortit de l'arche à l'air libre, il se mit à pleurer amèrement à la vue des énormes ravages causés par le déluge, et il dit à Dieu: «Seigneur du monde ! Tu es appelé le Miséricordieux, et tu aurais dû avoir pitié de tes créatures.» Dieu répondit et dit: «O berger insensé, c'est à moi que tu parles maintenant. Tu n'as pas agi ainsi lorsque je t'ai adressé des paroles bienveillantes en disant: 'Je t'ai vu comme un homme juste et parfait dans ta génération, et Je vais faire venir le déluge sur la terre pour détruire toute chair. Fais-toi une arche avec du bois de gopher. Je te parlai ainsi, t'exposant toutes ces circonstances, afin que tu implores la miséricorde pour la terre. Mais toi, dès que tu as appris que tu serais sauvé dans l'arche, tu ne t'es pas préoccupé de la ruine qui allait frapper la terre. Tu as construit pour toi-même une arche dans laquelle tu as été sauvé. Maintenant que la terre est dévastée, tu ouvres la bouche pour implorer et prier.
Noé se rendit compte qu'il s'était rendu coupable de folie et, pour apaiser Dieu et reconnaître son péché, il apporta un sacrifice (49). Dieu accepta l'offrande avec faveur, d'où son nom de Noé (50). Noé n'offrit pas le sacrifice de ses propres mains ; les services sacerdotaux qui y étaient liés furent accomplis par son fils Sem. Il y avait une raison à cela. Un jour, dans l'arche, Noé oublia de donner sa ration au lion, et la bête affamée lui asséna un coup de patte si violent qu'il resta boiteux pour toujours, et que, souffrant d'un défaut corporel, il ne lui fut pas permis d'accomplir les fonctions d'un prêtre (51).
Les sacrifices consistaient en un bœuf, un agneau, une chèvre, deux tourterelles et deux jeunes pigeons. Noé avait choisi ces espèces parce qu'il pensait qu'elles étaient destinées aux sacrifices, puisque Dieu lui avait ordonné d'en prendre sept paires dans l'arche avec lui. L'autel fut dressé à l'endroit même où Adam, Caïn et Abel avaient apporté leurs sacrifices, et où, plus tard, l'autel devait se trouver dans le sanctuaire de Jérusalem (52).
Après l'accomplissement du sacrifice, Dieu bénit Noé et ses fils. Il les nomma rois du monde comme Adam l'avait été (53), et il leur donna cet ordre: «Soyez féconds et multipliez-vous sur la terre» ; car, pendant leur séjour dans l'arche, les deux sexes, hommes et animaux, avaient vécu séparés l'un de l'autre, parce que, pendant qu'une calamité publique sévit, la continence est de rigueur, même pour ceux qui restent indemnes. Cette loi de conduite n'avait été violée par personne dans l'arche, si ce n'est par Cham, par le chien et par le corbeau. Ils ont tous reçu une punition. Celle de Cham fut que ses descendants seraient des hommes à la peau sombre (54).
Pour montrer qu'il ne détruira plus la terre, Dieu a placé son arc dans la nuée. Même si les hommes retombent dans le péché, l'arc leur annonce que leurs péchés ne causeront aucun dommage au monde. Au cours des siècles, les hommes ont été assez pieux pour ne pas avoir à vivre dans la crainte d'un châtiment. En ces temps-là, l'arc n'était pas visible (55).
Dieu a permis à Noé et à ses descendants d'utiliser la chair des animaux pour se nourrir, ce qui était interdit depuis l'époque d'Adam. Mais ils devaient s'abstenir d'utiliser le sang. Il a ordonné les sept lois noachiques, dont l'observation incombe à tous les hommes, et non à Israël seul. Dieu imposa en particulier l'interdiction de verser le sang humain. Quiconque veut verser le sang d'un homme, c'est son sang qui doit être versé. Même si les juges humains laissaient le coupable en liberté, son châtiment l'atteindrait. Il mourrait d'une mort non naturelle, comme celle qu'il avait infligée à son semblable. Même les bêtes qui tuent les hommes, on leur demande la vie des hommes (56).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg