Lecture d'un commentaire (18784)


Gn 6,5

Commentaire: LA GÉNÉRATION DU DÉLUGE
Alors que les descendants de Caïn ressemblaient à leur père par leur péché et leur dépravation, les descendants de Seth menaient une vie pieuse et bien réglée, et la différence entre la conduite des deux lignées se reflétait dans leurs habitations. La famille de Seth était établie sur les montagnes proches du Paradis, tandis que la famille de Caïn résidait dans le champ de Damas, l'endroit où Abel fut tué par Caïn.
Malheureusement, à l'époque de Mathusalem, après la mort d'Adam, la famille de Seth se corrompit à la manière des Caïnites. Les deux souches s'unirent l'une à l'autre pour accomplir toutes sortes d'actes iniques. Le résultat de leurs mariages fut les Nephilim, dont les péchés provoquèrent le déluge sur le monde. Dans leur arrogance, ils revendiquèrent la même origine que la postérité de Seth, et se comparèrent aux princes et aux hommes de noble descendance (14).
L'insouciance de cette génération est due en partie aux conditions idéales dans lesquelles vivait l'humanité avant le déluge. Ils ne connaissaient ni labeur ni souci, et leur extraordinaire prospérité les rendit insolents. Dans leur arrogance, ils s'élevèrent contre Dieu. Une seule semence donnait une récolte suffisante pour les besoins de quarante ans, et par des moyens magiques ils pouvaient obliger le soleil et la lune à se tenir prêts à les servir (15). L'éducation des enfants ne leur posait aucun problème. Ils naissaient après quelques jours de grossesse, et immédiatement après la naissance, ils pouvaient Mcher et parler ; ils aidaient eux-mêmes la mère à couper le cordon du nombril. Même les démons ne pouvaient pas leur faire de mal. Un jour, un nouveau-né, courant chercher une lampe pour que sa mère puisse couper le cordon du nombril, rencontra le chef des démons, et un combat s'engagea entre eux. Soudain, on entendit le chant du coq et le démon s'enfuit en criant à l'enfant: «Va rapporter à ta mère que si le coq n'avait pas chanté, je t'aurais tué». L'enfant répliqua: «Va rapporter à ta mère que si je n'avais pas coupé mon nombril, je t'aurais tué» (16).
C'est leur vie insouciante qui leur a donné l'espace et le loisir de commettre leurs infamies. Pendant un certain temps, Dieu, dans sa bonté indulgente, passa outre aux iniquités des hommes, mais sa longanimité cessa dès qu'ils commencèrent à mener une vie impudique, car «Dieu est patient pour tous les péchés, sauf pour une vie immorale» (17).
L'autre péché qui hâta la fin de la génération inique fut sa rapacité. Leurs déprédations étaient si astucieusement planifiées que la loi ne pouvait les atteindre. Si un paysan apportait au Mché un panier de légumes, ils s'en approchaient, l'un après l'autre, et en prélevaient un peu, chacun ayant en soi une valeur insignifiante, mais au bout de peu de temps le Mchand n'en avait plus à vendre (18).
Même après avoir décidé la destruction des pécheurs, Dieu laissa prévaloir sa miséricorde en leur envoyant Noé, qui les exhorta pendant cent vingt ans à s'amender, en brandissant toujours le déluge comme une menace. Quant à eux, ils ne firent que le tourner en dérision. Quand ils le virent s'occuper de la construction de l'arche, ils demandèrent: «Pourquoi cette arche ?»
Noé: «Dieu va faire venir un déluge sur vous».
Les pécheurs: «Quelle sorte d'inondation ? S'il envoie un déluge de feu, nous saurons nous en protéger. Si c'est un déluge d'eau, alors, si les eaux jaillissent de la terre, nous les couvrirons de barres de fer, et si elles descendent d'en haut, nous connaissons aussi un remède contre cela.»
Noé: «Les eaux jailliront sous tes pieds, et tu ne pourras pas les repousser».
Ils persistèrent en partie dans leur obstination parce que Noé leur avait fait savoir que le déluge ne descendrait pas tant que le pieux Mtusalem demeurerait au milieu d'eux. La période de cent vingt ans que Dieu avait fixée comme terme de leur probation ayant expiré, Mtusalem mourut, mais par égard pour la mémoire de cet homme pieux, Dieu leur accorda encore une semaine de répit, la semaine de deuil pour lui. Pendant ce temps de grâce, les lois de la nature étaient suspendues, le soleil se levait à l'ouest et se couchait à l'est. Dieu donna aux pécheurs les mets qui attendent l'homme dans le monde futur, afin de leur montrer ce qu'ils perdaient (19). Mais tout cela ne servit à rien, et lorsque Mtusalem et les autres hommes pieux de la génération eurent quitté cette vie, Dieu fit venir le déluge sur la terre (20).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg