Lecture d'un commentaire (18774)


Gn 4,8

Commentaire: LES DESCENDANTS D'ADAM ET DE LILITH
Lorsque les femmes de Lamek apprirent la décision d'Adam de continuer à vivre avec leur mari, elles se tournèrent vers lui en disant: «Médecin, guéris ta propre claudication». Elles faisaient allusion au fait que lui-même vivait séparé de sa femme depuis la mort d'Abel, car il avait dit: « Pourquoi aurais-je des enfants, si c'est pour les exposer à la mort ? « (46).
Bien qu'il ait évité les rapports avec Eve, il fut visité dans son sommeil par des esprits féminins, et de son union avec eux naquirent des ombres et des démons de diverses sortes, (47) et ils étaient dotés de dons particuliers.
Il était une fois en Palestine un homme très riche et très pieux, dont le fils s'appelait Rabbi Hanina. Il connaissait par cœur toute la Torah. Lorsqu'il fut sur le point de mourir, il fit venir son fils, Rabbi Hanina, et lui demanda, comme dernière volonté, d'étudier la Torah jour et nuit, d'accomplir les commandements de la loi et d'être un ami fidèle des pauvres. Il lui annonça également que lui et sa femme, la mère de Rabbi Hanina, mourraient le même jour, et que les sept jours de deuil pour les deux se termineraient la veille de la Pâque. Il lui enjoignit de ne pas s'affliger outre mesure, mais d'aller au Mché ce jour-là et d'acheter le premier article qu'on lui proposerait, aussi cher soit-il. S'il s'agissait d'un produit comestible, il devait le préparer et le servir avec beaucoup de cérémonie. Sa dépense et sa peine seraient récompensées. Tout se passa comme prévu: l'homme et sa femme moururent le même jour, et la fin de la semaine de deuil coïncida avec la veille de la Pâque. Le fils, à son tour, exécuta l'ordre de son père: il se rendit au Mché et y rencontra un vieillard qui lui proposa un plat d'argent à vendre. Bien que le prix demandé fût exorbitant, il l'acheta, comme son père le lui avait demandé. Le plat fut placé sur la table du Séder, et lorsque Rabbi Hanina l'ouvrit, il y trouva un second plat, et à l'intérieur de celui-ci une grenouille vivante, qui sautait et sautillait joyeusement. Il donna à manger et à boire à la grenouille et, à la fin de la fête, elle avait tellement grandi que Rabbi Hanina lui fabriqua une armoire dans laquelle elle mangeait et vivait. Avec le temps, l'armoire devint trop petite, et le rabbin construisit une chambre, y plaça la grenouille et lui donna de la nourriture et de la boisson en abondance. Il fit tout cela pour ne pas violer la dernière volonté de son père. Mais la grenouille grandit et s'agrandit ; elle consomma tout ce que possédait son hôte, jusqu'à ce que Rabbi Hanina soit dépouillé de tous ses biens. La grenouille ouvrit alors la bouche et commença à parler. «Mon cher Rabbi Hanina, dit-elle, ne t'inquiète pas ! Puisque tu m'as élevé et que tu as pris soin de moi, tu peux me demander tout ce que ton cœur désire, et cela te sera accordé.» Rabbi Hanina répondit: «Je ne désire rien d'autre que de m'enseigner toute la Torah.» La grenouille y consentit, et elle lui enseigna effectivement toute la Torah, ainsi que les soixante-dix langues des hommes (48). Sa méthode consistait à écrire quelques mots sur un bout de papier, qu'il faisait avaler à son élève. C'est ainsi qu'il acquit non seulement la Torah et les soixante-dix langues, mais aussi le langage des bêtes et des oiseaux. La grenouille dit alors à la femme de Rabbi Hanina: «Tu m'as bien soigné, et je ne t'ai pas donné de récompense. Mais tu recevras ta récompense avant que je ne te quitte ; seulement, il faut que vous m'accompagniez toutes les deux dans les bois. Là, vous verrez ce que je ferai pour vous.» Ils l'accompagnèrent donc dans les bois. Arrivés là, la grenouille se mit à crier à haute voix et, au son, toutes sortes de bêtes et d'oiseaux se rassemblèrent. Il leur ordonna de produire des pierres précieuses, autant qu'ils pouvaient en porter. Ils devaient aussi apporter des herbes et des racines pour la femme de Rabbi Hanina, et il lui apprit à les utiliser comme remèdes pour toutes sortes de maladies. Tout cela, ils devaient l'emporter chez eux. Lorsqu'ils s'apprêtèrent à rentrer, la grenouille s'adressa à eux en ces termes: «Que le Saint, béni soit-il, ait pitié de vous et vous récompense pour la peine que vous vous êtes donnée à cause de moi, sans même chercher à savoir qui j'étais. Je vais maintenant vous faire connaître mon origine. Je suis le fils d'Adam, un fils qu'il a engendré pendant les cent trente ans de sa séparation d'avec Eve. Dieu m'a donné le pouvoir de prendre la forme que je désire». Rabbi Hanina et sa femme repartirent chez eux, devinrent très riches et jouirent du respect et de la confiance du roi (49).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg