Lecture d'un commentaire (18744)


Gn 1,3

Commentaire: L'ALPHABET
Lorsque Dieu fut sur le point de créer le monde par sa parole, les vingt-deux lettres de l'alphabet (10) descendirent de la terrible et auguste couronne de Dieu, sur laquelle elles avaient été gravées avec une plume de feu ardent. Elles se tinrent autour de Dieu, et l'une après l'autre, elles parlèrent et demandèrent: «Créez le monde par moi». La première à s'avancer fut la lettre Taw. Elle disait: «Seigneur du monde ! Que Ta volonté soit de créer Ton monde par moi, puisque c'est par moi que Tu donneras la Torah à Israël par la main de Moïse, comme il est écrit: 'Moïse nous a commandé la Torah'. Le Saint, béni soit-Il, répondit et dit: «Non !» Taw demanda: «Pourquoi ?» et Dieu répondit: «Parce que dans les jours à venir, je te placerai comme un signe de mort sur le front des hommes». Dès que Taw entendit ces paroles sortir de la bouche du Saint, béni soit-Il, il se retira de sa présence, déçu.
Le Shin s'est alors avancé et a plaidé: «Ô Seigneur du monde, crée Ton monde à travers moi, puisque Ton propre nom Shaddai commence par moi». Malheureusement, il s'agit également de la première lettre de Shaw, le mensonge, et de Sheker, la fausseté, ce qui le rendit inapte. Resh n'eut pas plus de chance. On lui fit remarquer que c'était la lettre initiale de Ra', méchant, et de Rasha', mal, et après cela, la distinction dont il jouit d'être la première lettre du nom de Dieu, Rahum, le Miséricordieux, ne comptait pour rien. Le Kof fut rejeté, car Kelalah, la malédiction, l'emporte sur l'avantage d'être la première dans Kadosh, le Saint. C'est en vain que Zadde a attiré l'attention sur Zaddik, le Juste ; il y avait Zarot, les malheurs d'Israël, pour témoigner contre lui. Pe avait à son actif Podeh, le rédempteur, mais Pesha, la transgression, le déshonorait. 'Ain a été déclaré inapte, parce que, bien qu'il commence par 'Anawah, l'humilité, il accomplit le même service pour 'Erwah, l'immoralité. Samek dit: «Seigneur, que Ta volonté soit de commencer la création par moi, car Tu t'appelles Samek, après moi, le Soutien de tout ce qui tombe.» Mais Dieu dit «Tu es nécessaire à la place où tu es ; (11) tu dois continuer à soutenir tout ce qui tombe.» Nun introduit Ner, ""la lampe du Seigneur"", qui est ""l'esprit des hommes"", mais aussi Ner, ""la lampe des méchants"", qui sera éteinte par Dieu. Mem commence par Melek, roi, l'un des titres de Dieu. Comme c'est aussi la première lettre de Mehumah, la confusion, il n'avait aucune chance d'accomplir son désir. La revendication de Lamed portait en elle-même sa réfutation. Il avance l'argument qu'il s'agit de la première lettre de Luhot, les tables célestes des dix commandements ; il oublie que les tables ont été brisées en morceaux par Moïse. Kaf était sûr de sa victoire: Kisseh, le trône de Dieu, Kabod, son honneur, et Keter, sa couronne, commencent tous par cette lettre. Dieu devait lui rappeler qu'il frapperait ensemble ses mains, Kaf, en désespoir de cause devant les malheurs d'Israël. Yod semblait à première vue la lettre appropriée pour le début de la création, en raison de son association avec Yah, Dieu, si seulement Yezer ha-Ra', le mauvais penchant, n'avait pas commencé lui aussi par cette lettre. Tet est identifié à Tob, le bien. Cependant, le vrai bien n'est pas dans ce monde ; il appartient au monde à venir. Het est la première lettre de Hanun, le Miséricordieux, mais cet avantage est contrebalancé par sa place dans le mot pour le péché, Hattat. Zain suggère Zakor, le souvenir, mais il est lui-même le mot pour arme, l'auteur du mal. Waw et He composent le nom ineffable de Dieu ; ils sont donc trop élevés pour être mis au service du monde terrestre. Si Dalet n'avait représenté que Dabar, le Verbe divin, il aurait été utilisé, mais il représente aussi Din, la justice, et sous le règne de la loi, sans amour, le monde serait tombé en ruine. Enfin, même s'il rappelle Gadol, grand, Gimel ne suffit pas, car Gemul, la rétribution, commence par lui.
Après que les demandes de toutes ces lettres eurent été réglées, Bet s'avança devant le Saint, béni soit-il, et plaida devant lui: «Seigneur du monde ! Que Ta volonté soit de créer Ton monde à travers moi, puisque tous les habitants du monde Te louent chaque jour à travers moi, comme il est dit: 'Béni soit le Seigneur pour toujours. Amen et Amen». Le Saint, béni soit-Il, accéda immédiatement à la demande de Bet. Il dit: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.» Il créa son monde par l'intermédiaire de Bet, comme il est dit: «Bereshit Dieu créa le ciel et la terre.» La seule lettre qui s'était abstenue de faire valoir ses prétentions était le modeste Alef, et Dieu l'a récompensée plus tard pour son humilité en lui donnant la première place dans le Décalogue (12).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg