Lecture d'un commentaire (17000)


Jn 14,8

Commentaire: On peut encore donner une autre explication de ce passage. Philippe voulait voir le Père des yeux du corps, parce qu'il pensait avoir vu le Fils de la sorte, peut-être aussi, parce qu'il avait entendu dire aux prophètes qu'ils avaient vu le Seigneur, c'est sous cette impression qu'il dit à Jésus: «Montrez-nous le Père». Les Juifs lui avaient souvent fait cette question: «Quel est votre Père ?» Pierre et Thomas lui avaient demande où il allait, et ni les uns ni les autres n'avaient compris sa réponse. Philippe donc voulant éviter le reproche d'importunité, se contente de lui dire: «Montrez-nous 1e Père, et cela nous suffit», c'est-à-dire, nous ne demandons rien autre chose. Or, le Sauveur ne lui répond point: «Vous demandez une chose impossible»; mais il lui fait comprendre qu'il n'a même pas vu le Fils, car s'il avait pu le voir, il aurait vu aussi le Père, et c'est le sens de ces paroles: «Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père». Il ne lui dit pas: Vous ne m'avez pas vu, mais: «Vous ne m'avez pas connu», c'est-à-dire, vous n'avez pas compris que le Fils demeurant ce qu'est le Père, peut très-bien montrer en lui celui qui l'a engendré. Il distingue ensuite les deux personnes, en ajoutant: «Celui qui me voit, voit aussi mon Père», pour prévenir cette erreur que le Fils est une même personne avec le Père. Il lui montre maintenant qu'il n'a point vu le Fils des yeux du corps. Si quelqu'un veut donner ici au mot voir la signification du mot connaître, je ne m'y oppose point, et tel serait alors le sens de ces paroles: «Celui qui me connaît, connaît aussi le Père». Mais ce n'est point la pensée du Sauveur, qui a voulu exprimer sa consubstantialité avec son Père en ces termes: Celui qui a vu ma nature, a vu la nature de mon Père. Il résulte de là qu'il n'est pas une simple créature, car celui qui voit un être créé ne voit pas Dieu. Philippe, d'ailleurs, désirait voir la nature du Père. Si donc le Sauveur avait une nature différente de son Père, il ne dirait pas: «Celui qui me voit, voit mon Père», car personne ne peut voir la nature de l'or dans celle de l'argent; une nature ne peut faire voir en elle-même une nature toute différente.


Source: Saint Jean Chrysostome (Peronne-Vivès 1868)