Lecture d'un commentaire (15009)


Jn 1,1

Commentaire: On fait cette objection: S'il est Fils, donc il est né. Nous l'avouons. Ils ajoutent: S'il est né un Fils au Père, il était Père avant la naissance de son Fils. La foi rejette cette conclusion. Mais, poursuit-on, expliquez-moi donc comment le Père a pu avoir un Fils, qui fut coéternel au Père dont il est né, car le fils naît après son père pour lui succéder après sa mort. Ils vont chercher leurs comparaisons dans les créatures, il nous faut donc aussi trouver des comparaisons à l'appui des vérités que nous défendons. Mais comment pouvoir trouver dans toute la création un être coéternel, alors qu'aucune créature n'est éternelle? Si nous pouvions trouver ici-bas deux êtres absolument contemporains, l'un qui engendre, l'autre qui est engendré, nous pourrions avoir une idée de l'éternité simultanée du Père et du Fils. La sagesse nous est représentée dans l'Ecriture comme l'éclat de la lumière éternelle et comme l'image du Père. Cherchons dans ces deux termes une comparaison qui, à l'aide de deux choses existant simultanément, puisse nous donner l'idée de deux êtres coéternels. Personne n'ignore que l'éclat de la lumière vient du feu; supposons donc que le feu est le père de cet éclat, dès que j'allume une lampe, le feu et la lumière existent simultanément. Donnez-moi du feu sans lumière, et je vous concéderai que le Père n'a point eu de Fils. L'image doit son existence au miroir, cette image se produit dès qu'un homme se regarde dans un miroir, mais celui qui se regarde dans un miroir existait avant de s'en approcher. Prenons encore comme objet de comparaison une plante ou un arbuste nés sur le bord des eaux, est-ce que leur image ne naît pas simultanément avec eux? Si donc cet arbuste existait toujours, l'image de l'arbuste aurait la même durée. Or, ce qui vient d'un être est vraiment né de lui; l'être qui a engendré peut donc toujours avoir existé avec celui qui est né de lui. Mais on me dira: Je comprends que le Père soit éternel, et que le Fils lui soit coéternel, mais de la même manière que je comprends l'éclat du feu moins brillant que le feu lui-même, ou comme l'image de l'arbuste qui se produit dans les eaux, moins réelle et moins parfaite que l'arbuste lui-même. Non, l'égalité est parfaite et absolue. Je ne le crois point, me réplique-t-on, parce que vos comparaisons ne sont pas justes. Peut-être, cependant, trouverons-nous dans les créatures des choses qui nous feront comprendre comment le Fils est coéternel au Père, sans lui être inférieur, mais ce ne sera pas dans un seul objet de comparaison. Joignons donc ensemble deux comparaisons différentes, celle qu'ils donnent eux-mêmes et celle que nous apportons. Ils ont emprunté leur comparaison aux êtres qui sont postérieurs par le temps à ceux qui leur donnent naissance, par exemple, à l'homme qui naît d'un autre homme; mais cependant ces deux hommes ont une même nature. Nous trouvons donc dans cette naissance l'égalité de nature, mais nous n'y trouvons pas l'égalité d'existence. Au contraire, dans cette autre comparaison empruntée à l'éclat du feu et à l'image de l'arbuste, vous ne trouvez pas l'égalité de nature, mais l'égalité de temps. Vous trouvez donc réunies en Dieu les propriétés qui sont disséminées dans plusieurs créatures, et vous les trouvez réunies, non pas comme elles sont dans les créatures, mais avec la perfection qui convient au Créateur.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)