Lecture d'un commentaire (1284)


1S 29,1

Commentaire: Ce début de chapitre nous laisse un peu mal à l’aise et ne manquera pas de semer des doutes sur la conscience que David pouvait avoir de son identité israélite. Le livre qui suit (en réalité, ce ne sera que la seconde moitié du Livre de Samuel) le montrera préoccupé de réaliser à son profit l’unité d’Israël. Mais les pages qu’on vient de lire étaient-elles objectives quand elles le présentaient comme le porteur des espoirs du peuple et comme la noble victime d’un Saül jaloux et maniaque ? C’est peut-être le moment de rappeler qu’on ne sait rien d’une tribu de Juda antérieure à David ; on a bien des raisons de penser que Juda n’était alors que le nom de cette région des Monts de Juda, occupée par divers clans dont le plus important était sans doute celui des Quénizites. Il y avait bien parmi eux une tribu de Siméon fort réduite en nombre et qui a dû s’intégrer avec eux dans la province (plutôt que la tribu) de Juda. Et le noyau dur des tribus, les héritiers de Moïse, c’étaient Éphraïm, Manassé et Benjamin, la tribu de Saül. On pourrait donner à toute cette histoire une interprétation fort différente. Face à Saül qui, sans doute maladroitement, cherche à réaliser l’unité des tribus, David joue sa propre carte comme champion des gens du sud. Par ses guérillas il réalise l’unité de la tribu de Juda en même temps qu’il paralyse les efforts de Saül pour réunir Israël. C’est David qui réussira à la tâche, et Juda, nouveau venu, déplacera ceux qui jusque là préservaient l’idéal d’un Israël en gestation. David recevra pour sa dynastie les promesses de Dieu, mais il aura fortement enraciné les rancœurs mutuelles du nord et du sud, préparant ainsi le schisme, soixante ans plus tard. Voilà qui nous invite à réfléchir sur l’action de Dieu et sur celle des hommes dans l’histoire du peuple de Dieu, sur la part aussi qui revient aux écrivains inspirés dans la fabrication de l’histoire sainte. On a toute liberté pour donner une autre interprétation, et peut-être sera-t-on davantage dans le vrai, mais ce ne seront que des interprétations, et elles ne referont pas l’histoire. Car la Bible a donné le sens et tous les écrivains sacrés ont prolongé cette première vision des livres de Samuel. Dans le premier livre, David est devenu le vainqueur de Goliath et le champion d’Israël ; à la fin du second il sera l’auteur des Psaumes. Le livre des Chroniques fera de lui le vrai créateur du Temple et de tout le culte d’Israël. Il est permis de penser que David n’a ressemblé que d’assez loin à ce personnage de légende, mais personne ne pourra nier que son histoire, telle qu’on nous l’a transmise, a été porteuse d’une force spirituelle et humaine énorme. Elle est pour une bonne part à l’origine du destin des Juifs, et sans elle Jésus perdrait ses racines humaines. Ici encore il faut répéter que le livre inspiré échappe aux hommes et que Dieu en est l’auteur : il s’en sert pour diriger souverainement les destinées de son peuple.


Source: Bible des peuples