Lecture d'un commentaire (12622)


Lc 7,36

Commentaire: Heureux celui qui peut verser de l'huile sur les pieds de Jésus-Christ, mais plus heureux celui qui peut y répandre des parfums; car la réunion d'un grand nombre de fleurs forme un composé d'odeurs les plus suaves et les plus variées. Or, l'Église seule a le privilège de la composition de ce parfum, elle qui possède d'innombrables fleurs exhalant des odeurs si variées; aussi personne ne peut prétendre à un si grand amour que l'Église, qui aime par le coeur de tous ses enfants. Dans la maison du pharisien, c'est-à-dire dans la maison de la loi et des prophètes, ce n'est pas le pharisien, mais l'Église qui est justifiée; car le pharisien refuse de croire, tandis que l'Eglise embrassait la foi; la loi, d'ailleurs, n'a point ce mystère divin qui purifie les secrètes profondeurs de l'âme; mais ce que la loi ne peut donner, se trouve abondamment dans l'Évangile. Les deux débiteurs sont les deux peuples, tous deux obligés à l'égard du créancier du trésor céleste; ce n'est point une somme d'argent matériel que nous devons à ce divin créancier, mais l'or pur de nos mérites, l'argent de nos vertus, dont la valeur consiste dans le poids du caractère et la gravité des moeurs, dans l'empreinte de la justice, dans le son que fait entendre la confession. De quel prix est cette pièce de monnaie, où se trouve empreinte l'image de notre roi ! Malheur à moi, si je ne l'ai pas conservée telle que je l'ai reçue ! Ou bien, puisqu'il n'est personne qui puisse payer toute sa dette à ce céleste créancier, malheur à moi, si je ne le supplie de me remettre toute ma dette ! Mais quel est ce peuple qui doit plus? c'est nous-mêmes à qui Dieu a donné davantage. Aux Juifs, Dieu a confié ses oracles, à nous, il a donné le fruit de l'enfantement virginal, l'Emmanuel (c'est-à-dire Dieu avec nous), la croix du Sauveur, sa mort, sa résurrection. Il est donc hors de doute que celui qui a reçu davantage, doit aussi davantage. Selon notre manière d'agir, c'est quelquefois celui qui doit davantage, qui manque le plus d'égards. Mais la miséricorde de Dieu a changé cet ordre, c'est celui qui doit plus, qui aime aussi davantage, s'il est assez heureux pour obtenir la grâce. Puisque donc nous n'avons rien qui soit digne d'être offert à Dieu, malheur à moi, si je ne lui donne tout mon amour ! Payons donc nos dettes, en aimant Dieu de tout notre coeur; car celui qui a reçu plus de grâces, doit aussi donner plus d'amour.


Source: Saint Ambroise (Peronne-Vivès 1868)