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1S 8,1

Commentaire: Une transformation profonde s’est opérée dans la vie des anciens nomades. Ils sont devenus cultivateurs, ils habitent des villages et des villes comme les autres habitants du pays. Leurs anciennes structures sociales, bien adaptées autrefois à la vie du désert, ne conviennent plus : c’est ce que l’histoire des peuples, comme celle de l’Église, ne cesse de nous montrer. Les hommes sont en continuelle mutation : entraînés par les événements et l’évolution des techniques, des changements de mentalité apparaissent qui révèlent du même coup l’inadaptation des structures anciennes à des situations nouvelles. Il existe de fait une tension permanente entre la vie et l’institution : parce que l’homme est un être vivant, il ne cesse d’évoluer, de s’interroger, de découvrir et d’entreprendre. Par ailleurs les institutions, indispensables à la vie de la société, ont pour but essentiel de canaliser, d’ordonner et d’organiser cette vie toujours bouillonnante. Sans créativité, l’homme est un mort-vivant ; sans institution, toute société tourne à l’anarchie. Si la tension entre la vie et l’institution est permanente, elle apparaît cependant plus nettement à certains moments : ce sont les périodes de crise de société. Nous savons comment dans chaque crise s’affrontent des courants conservateurs et des courants novateurs. Tandis que les courants conservateurs pensent trouver dans le retour au passé, avec fermeté et intransigeance, le moyen de rétablir l’ordre des choses, les courants novateurs, conscients de la nécessité d’inventer des structures nouvelles pour répondre à la réalité présente, oublient trop rapidement les acquis de l’expérience du passé. Les chapitres 8 à 12 du Premier livre de Samuel nous mettent en présence de l’une de ces crises et des tensions qu’elle fait naître. Les gens se rendent compte de leur faiblesse liée à la division et à l’anarchie. L’autorité temporaire des “juges” ne suffit pas. Les douze tribus doivent s’unir autour d’un roi. Samuel défend le passé et ses avertissements s’inspirent de sa méfiance personnelle : il ne reconnaît pas les avantages d’un gouvernement plus fort, plus centralisé ; mais il dénonce avec beaucoup de réalisme les abus du pouvoir absolu. Samuel reproche aux gens leur manque de confiance en Yahvé. Maintenant, devant le péril philistin, ils croient trouver la sécurité en remettant à un autre, à un grand chef, le soin de penser, de se faire inspirer par Dieu, et de décider à leur place : ils ont peur des initiatives à prendre. Mais quand on attend tout des autorités civiles ou religieuses, c’est l’enlisement général, ou la tyrannie politique. Pour Samuel, le roi sera en théorie le représentant de Dieu et le serviteur du peuple. Mais, en réalité, il servira ses propres ambitions et sera l’oppresseur du peuple. En ce temps-là déjà, les dictateurs étaient suffisamment au courant de la propagande pour convaincre le peuple qu’ils étaient indispensables (Luc 22.25)


Source: Bible des peuples