Lecture d'un commentaire (11226)


Mc 15,21

Commentaire: Si ce fut à la sixième heure que Pilate, assis sur son tribunal, livra Jésus aux Juifs pour le crucifier, comme le rapporte saint Jean; comment a-t-il pu être crucifié à la troisième heure, comme quelques-uns le concluent d'une fausse interprétation des paroles de saint Marc? Examinons d'abord à quelle heure a pu avoir lieu le crucifiement, et nous verrons ensuite pourquoi saint Marc le place à la troisième heure. Il était environ la sixième heure lorsque Pilate, assis sur son tribunal, livra Jésus aux Juifs, comme nous l'avons dit. Or, la sixième heure n'était pas encore tout à fait arrivée; c'était environ la sixième heure, c'est-à-dire que la cinquième était passée, et qu'une partie de la sixième était commencée. Ainsi la cinquième heure était écoulée, et la sixième commencée, lorsqu'eurent lieu les circonstances du crucifiement; et aussitôt la sixième heure achevée, pendant que Jésus était attaché à la croix, les ténèbres se répandirent sur toute la terre. Examinons maintenant pourquoi saint Marc s'exprime ainsi: «Il était la troisième heure», etc. Il venait de dire: «Et ceux qui l'avaient crucifié partagèrent ses vêtements», et les autres Évangélistes rapportent également que ce fut après le crucifiement de Jésus, que ses bourreaux se partagèrent ses vêtements. Si saint Marc eut seulement voulu préciser l'heure où ces faits se passèrent, il lui suffisait de dire: «Il était la troisième heure». Pourquoi donc ajoute-t-il: «Et ils le crucifièrent ?» Ne voulait-il point par une espèce de récapitulation nous indiquer ici, comme objet de nos recherches, une vérité cachée; alors surtout que son Évangile devait être lu dans des temps où toute l'Eglise savait fort bien à quelle heure Jésus avait été attaché à la croix, ce qui permettait de dissiper sur ce point jusqu'à l'ombre de l'erreur, jusqu'à l'apparence du mensonge. Mais comme il savait parfaitement que ce ne furent pas les Juifs, mais les soldats, qui en réalité attachèrent Jésus-Christ à la croix, comme l'atteste saint Jean ( Jn 19, 23), il a voulu nous apprendre en termes couverts que les véritables auteurs du crucifiement furent ceux qui demandèrent à grands cris que le Sauveur fût crucifié, plutôt que ceux qui, par le devoir de leur état, ne firent qu'obéir aux ordres de leurs chefs. Ainsi donc, ce fut à la troisième heure que les Juifs demandèrent que Jésus fût crucifié, et eu réalité, ce crime fut dès lors moralement accompli. Or, pendant que Pilate s'efforçait de délivrer le Sauveur, et pendant le tumulte causé par les résistances des Juifs, il se passa un intervalle d'environ deux heures, et il était donc environ la sixième heure qui n'était pas encore écoulée lorsque se passèrent les événements renfermés entre le moment où il livra Jésus aux Juifs, jusqu'à celui où les ténèbres se répandirent sur la terre. Celui donc qui examinera ce passage sans aucun parti pris d'impiété, comprendra facilement que saint Marc a fait mention de la troisième heure dans l'endroit le plus opportun, c'est-à-dire au moment où les soldats crucifièrent Jésus. Afin donc qu'on fit retomber non pas sur les soldats, mais sur les Juifs la pensée d'un si grand crime, il écrit: «Or, il était la troisième heure, et ils le crucifièrent». Il voulait que pour un lecteur attentif, les véritables auteurs du crucifiement fussent ceux qui l'avaient demandé à grands cris vers la troisième heure, plutôt que les soldats qui n'ont accompli le crime qu'à la sixième heure.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)