Lecture d'un commentaire (11021)


Mc 13,32

Commentaire: On objecte au Fils unique de Dieu d'ignorer ce jour et cette heure, et on en conclut qu'il n'est point né Dieu de Dieu avec cette nature parfaite que possède Dieu le Père; mais j'en appelle ici au simple jugement du sens commun; peut-on supposer une ignorance quelconque, dans celui qui est pour tous les êtres l'auteur de ce qu'ils sont et de ce qu'ils seront? Comment une seule chose peut-elle être en dehors de la science de sa nature, par laquelle et dans laquelle sont contenues toutes les choses qui doivent exister. Quoi ! il aurait ignoré le jour de son avènement. L'homme, autant que sa nature le lui permet, prévoit d'avance ce qu'il a dessein de faire, et la connaissance de ce qu'il doit faire suit chez lui la volonté d'agir. Comment donc admettre que le Seigneur de gloire, par cette ignorance au jour de son avènement, ait eu une nature si imparfaite que d'être soumise à un avènement nécessaire, sans en avoir aucune connaissance. Mais encore, il y a ici double impiété, si l'on suppose une intention malveillante dans Dieu le Père, qui aurait refusé la connaissance de la béatitude à celui à qui il avait révélé la connaissance de sa mort. Si tous les trésors de la science sont en lui; il ne peut ignorer ce jour, mais nous devons nous rappeler que ces trésors de science sont cachés en lui. L'ignorance dont il parle tient donc uniquement à ce que les trésors de la science restent cachés en lui. Toutes les fois donc que Dieu déclare ignorer quelque chose, il ne s'agit point d'une véritable ignorance, mais il veut nous apprendre, ou qu'il n'est pas temps de parler, ou qu'il n'est pas temps d'agir. L'Ecriture dit de Dieu, qu'il connut qu'Abraham l'aimait, parce qu'il le fit connaître à Abraham lui-même ( Gn 22). Il faut donc dire, par la même raison, que le Père a connu ce jour, parce qu'il l'a révélé à son Fils. Si donc nous lisons que le Fils ne connaît point ce jour, c'est dire d'une manière figurée qu'il ne doit point en parler; au contraire, le Père seul connaît ce jour, parce que c'est à lui de le faire connaître. Gardons-nous donc d'admettre dans le Père ou dans le Fils aucun changement, aucune modification extérieure. Enfin, pour éloigner de lui tout soupçon d'ignorance, il ajoute aussitôt: «Prenez garde, veillez et priez, parce que vous ne savez quand ce temps viendra».


Source: Saint Hilaire de Poitiers (Peronne-Vivès 1868)