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Gn 1,14

Commentaire: Du destin : comment notre liberté est sauvegardée alors que Dieu connaît à l’avance les actes de chacun. Les astres ne sont pas les agents des événements humains mais seulement les signes. (Philocalie ch 23)
Beaucoup d’hommes considérés comme des croyants se demandent avec inquiétude si des activités humaines ne sont pas soumises à la nécessité et s’il ne devient pas impossible qu’elles se fassent autrement que comme conséquence des mouvements des astres.
La conséquence de cette doctrine est la suppression radicale de notre liberté, donc de la louange et du blâme, des activités louables ou répréhensibles. S’il en est ainsi, c’en est fait du jugement divin qui a été annoncé, des menaces adressées aux pécheurs pour leur apprendre leur châtiment, c’en est fait aussi des récompenses et des béatitudes pour ceux qui se sont adonnés au bien.
« Savoir d’avance sans être la cause ».
Que Dieu connaisse longtemps à l’avance chacun des événements futurs comme devant se produire, c’est évident, directement à partir de la notion de Dieu, pour qui conçoit l’excellence de la puissance de l’intelligence divine.
Les quatre problèmes :
1 – comment notre liberté est sauvegardée, alors que Dieu connaît par avance de toute éternité les actes que chaque homme est censé accomplir
Dieu, lorsqu’il s’est mis à penser au commencement de la création du monde, a parcouru de son intelligence chacun des futurs. Il a vu que quand telle chose arrive, telle autre suit, et que quand cette conséquence s’est produite, telle autre chose s’ensuivra… ainsi jusqu’à la fin des choses, il a su ce qui sera, sans être forcément la cause de la réalisation de chacun des événements qu’il connaît. L’événement futur est la cause de la prescience qui le concerne.
Souvent, dans les Ecritures, Dieu ordonne aux prophètes de prêcher la repentance, tout en feignant de ne pas savoir à l’avance si les auditeurs se convertiront ou non. (Jr 26,3). Dieu sait ce qui va se produire, mais il sait aussi ce qui PEUT se produire. Les hommes sont bien libres. Dieu a eu raison de nus rendre aveugles devant l’avenir : la connaissance de l’avenir nous ferait abandonner la lutte contre le mal.
Notre liberté ne peut toutefois être indépendante du tout, car nous faisons partie du monde et nous sommes enveloppé par la communauté des hommes et du milieu ambiant.
2 – comment les astres ne sont pas les agents des événements humains, mais seulement des signes
Tout ce qui produit est antérieur à ce qui est produit : donc la configuration actuelle des astres ne peut provoquer des événements passés.
La destinée est déterminée par la configuration des astres à la naissance. Or plusieurs hommes peuvent naître au même moment : or ils ne peuvent avoir tous la même destinée.
Il y a tant de moyen proposé pour connaître l’avenir (augures, sacrifices, astres). Pourquoi l’un serait-il cause et non les autres ?
3 – que les hommes ne peuvent avoir une connaissance précise des signes, mais que ceux-ci sont exposés pour des puissances supérieures aux hommes
Pour faire l’horoscope, il faut une connaissance très précise, quasiment impossible à obtenir. Pensons au cas des jumeaux… De plus, les étoiles ne sont pas si fixes que cela dans le ciel. Origène mentionne ainsi le mouvement lent d’occident vers l’orient des étoiles (loi observée par Hipparque d’abord, aujourd’hui connue comme « précession des équinoxes »). Or les astrologues doivent-ils tenir compte de la position réelle des étoiles à la naissance ou d’un « signe fictif », corrigé de la précession…
La part d’échec l’emporte sur la part de succès des prédictions. Voir les citations Is 47,13 où Isaïe s’adresse à la fille des chaldéens.
Si des hommes arrivent à lire les signes du ciel, c’est uniquement grâce à l’esprit de Dieu. Voir Paul 2Co 12,4. C’est l’esprit qui révèle la connaissance : (Sg 7,18-19)
4 – la raison pour laquelle Dieu a créé ces signes en vue de procurer la connaissance aux puissances
Croire à la grandeur de l’intelligence divine qui a embrassé la connaissance parfaite de chacune des réalités inclut l’opinion qu’elle a embrassé en elle-même des choses pour ainsi dire numériquement infinies. Cette opinion est reçue par la foi comme convenant à l’intelligence inengendrée et qui surpasse toute nature.
Dieu crée ces signes pour se faire connaître des bienheureux (voir Rm 9,17 renvoyant à Ex 9,16). Il y a besoin de créatures connaissant ce langage des signes.
Ces signes sont donnés aux puissances pour qu’elles administrent les affaires humaines, tantôt en y intervenant, tantôt pour simplement les connaîtres. De même que dans les Ecritures nous trouvons des récits pour nous informer (la genèse) et d’autres pour guidre notre comportement (les commandements). Il doit donc y avoir des choses écrites pour que les anges et les puissances éprouvent de la joie en les lisant et d’autres pour qu’ils les accomplissent. Ainsi les anges interviennent sur l’ordre de Dieu quand, comme et dans la mesure où il faut.


Source: Origène