Lecture en continu (Bible de Jérusalem)

41,40 C'est toi qui seras mon maître du palais et tout mon peuple se conformera à tes ordres, je ne te dépasserai que par le trône."

18868 Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg sur verset 2023-10-31: LE SOUVERAIN D'EGYPTE
Joseph récolta la moisson de ses vertus, et Dieu lui accorda une récompense à la mesure de ses mérites. La bouche qui refusait le baiser de la passion illicite et du péché recevait le baiser d'hommage du peuple ; le cou qui ne s'inclinait pas devant le péché était orné de la chaîne d'or dont Pharaon l'avait revêtu ; les mains qui ne touchaient pas au péché portaient la chevalière que Pharaon avait prise de sa propre main pour la mettre sur celle de Joseph; le corps qui n'était pas en contact avec le péché était vêtu de byssus ; les pieds qui ne faisaient pas de pas dans la direction du péché reposaient dans le char royal, et les pensées qui ne se laissaient pas souiller par le péché étaient proclamées sagesse. (183)
Joseph fut installé dans ses hautes fonctions et investi des insignes de sa charge au cours d'une cérémonie solennelle. Le roi ôta de sa main sa chevalière et la mit à la main de Joseph ; il le revêtit d'habits princiers, posa sur sa tête une couronne d'or et mit à son cou une chaîne d'or. Puis il ordonna à ses serviteurs de faire monter Joseph dans son second char, qui allait à côté du char où était assis le roi, et il le fit monter sur un grand et fort cheval parmi les chevaux du roi, et ses serviteurs le conduisirent à travers les rues de la ville d'Égypte. Des musiciens, au nombre de mille, frappant sur des cymbales et de mille, soufflant dans des flûtes, et cinq mille hommes, l'épée dégainée et luisant dans les airs, formaient l'avant-garde. Vingt mille grands du roi, ceints de ceintures de cuir brodées d'or, Mchaient à la droite de Joseph, et autant à sa gauche (184). Les femmes et les jeunes filles de la noblesse regardaient par les fenêtres la beauté de Joseph, et elles répandaient sur lui des chaînes, des bagues et des bijoux, pour qu'il ne dirigeât ses yeux que vers elles. Il ne leva pas les yeux, et Dieu le mit à l'abri du mauvais oeil, qui n'a jamais pu nuire à aucun de ses descendants (185). Les serviteurs du roi, qui le précédaient et le suivaient, brûlaient de l'encens sur son passage, et toutes sortes d'épices douces, et répandaient de la myrrhe et de l'aloès partout où il passait. Vingt hérauts Mchaient devant lui, et ils disaient: «Voici l'homme que le roi a choisi pour être le second après lui. Toutes les affaires de l'État seront administrées par lui, et quiconque résistera à ses ordres ou refusera de se prosterner à terre devant lui, mourra de la mort du rebelle contre le roi et l'adjoint du roi.»
Sans tarder, le peuple se prosterna et s'écria: «Vive le roi, et vive l'adjoint du roi !» Joseph, du haut de son cheval, regarda le peuple et son exultation, et s'exclama, les yeux tournés vers le ciel: «Le Seigneur fait sortir le pauvre de la poussière, il relève le malheureux du fumier. Seigneur des armées, heureux l'homme qui se confie en toi !».
Après que Joseph, accompagné des officiers et des chefs de Pharaon, eut parcouru toute la ville d'Égypte et vu tout ce qu'elle renfermait, il revint le même jour auprès du roi, qui lui donna en présent des champs et des vignes, trois mille talents d'argent, mille talents d'or, des pierres d'onyx et de bdellium, et beaucoup d'autres choses de grand prix. Le roi ordonna en outre que chaque Égyptien fasse un cadeau à Joseph, sous peine d'être mis à mort. On dressa une estrade dans la rue, et tous y déposèrent leurs présents, parmi lesquels il y avait beaucoup d'or et d'argent, ainsi que des pierres précieuses, apportées par le peuple et les grands, car ils voyaient que Joseph jouissait de la faveur du roi. En outre, Joseph reçut de Pharaon cent esclaves, qui devaient faire tout ce qu'il voulait, et il en acquit lui-même beaucoup d'autres, car il habitait un palais spacieux, dont la construction dura trois ans. Le salon d'apparat, qui était sa salle d'audience, et le trône d'or et d'argent, incrusté de pierres précieuses, sur lequel étaient représentés tout le pays d'Égypte et le fleuve du Nil, étaient d'une magnificence toute particulière. De même que Joseph multipliait les richesses, il multipliait aussi la sagesse, car Dieu ajoutait à sa sagesse pour que tous l'aimassent et l'honorassent (186). Pharaon l'appela Zaphenath-paneah, celui qui peut révéler facilement les choses secrètes, et qui réjouit le coeur de l'homme par ce moyen. Chaque lettre du nom Zaphenath-paneah a également une signification. La première, Zadde, signifie Zofeh, voyant ; Pe pour Podeh, rédempteur ; Nun pour Nabi, prophète ; Taw pour Tomek, partisan ; Pe pour Poter, interprète des rêves ; Ain pour Arum, intelligent ; Nun pour Nabon, discret ; et Het pour Hakam, sage (187).
Le nom de la femme de Joseph renvoyait à son histoire de la même manière. Asenath était la fille de Dina et de Hamor, mais elle fut abandonnée à la frontière de l'Égypte ; seulement, pour que les gens sachent qui elle était, Jacob grava l'histoire de sa filiation et de sa naissance sur une plaque d'or qu'il attacha à son cou. Le jour où Asenath fut exposée, Potiphar se promenait avec ses serviteurs près de la muraille de la ville, et ils entendirent la voix d'un enfant. Sur l'ordre du capitaine, ils lui amenèrent le bébé, et lorsqu'il lut son histoire sur la plaque d'or, il décida de l'adopter. Il l'emmena chez lui et l'éleva comme sa fille. Le Alef dans Asenath représente On, où Potiphar était prêtre ; le Samek pour Setirah, cachée, car elle était gardée cachée à cause de sa beauté extraordinaire ; le Nun pour Nohemet, car elle pleurait et implorait d'être délivrée de la maison du païen Potiphar ; et le Taw pour Tammah, la parfaite, à cause de ses actes pieux et parfaits (188).
Asenath avait sauvé la vie de Joseph alors qu'elle n'était encore qu'une enfant dans les bras. Lorsque Joseph fut accusé d'immoralité par la femme de Potiphar et les autres femmes, et que son maître fut sur le point de le faire pendre, Asenath s'approcha de son père adoptif et lui assura sous serment que l'accusation portée contre Joseph était fausse. Dieu dit alors: «De ton vivant, parce que tu as voulu défendre Joseph, tu seras la femme qui enfantera les tribus qu'il doit engendrer» (189).
Asenath lui donna deux fils, Manassé et Ephraïm, pendant les sept années d'abondance, car, au temps de la famine, Joseph s'abstint de toute complaisance pour les plaisirs de la vie (190) ; ils furent élevés par leur père dans la chasteté et la crainte de Dieu ; ils étaient sages et bien instruits dans toutes les connaissances et dans les affaires de l'État, de sorte qu'ils devinrent les favoris de la cour et qu'ils reçurent l'éducation des princes royaux.
Avant que la famine ne s'abatte sur le pays, Joseph trouva l'occasion de rendre un grand service au roi. Il équipa une armée de quatre mille six cents hommes, fournissant à tous les soldats des boucliers, des lances, des casques et des frondes. Avec cette armée, et avec l'aide des serviteurs et des officiers du roi, ainsi que du peuple égyptien, il fit la guerre à Tarsis la première année après sa nomination au poste de vice-roi. Les habitants de Tarsis avaient envahi le territoire des Ismaélites, qui, peu nombreux à l'époque, se trouvaient dans une situation difficile et demandèrent au roi d'Égypte de les aider à lutter contre leurs ennemis. A la tête de son armée de héros, Joseph Mcha jusqu'au pays de Havila, où il fut rejoint par les Ismaélites. Ils combattirent ensemble les gens de Tarsis, les mirent en déroute, et s'établirent sur le territoire des Ismaélites, tandis que les vaincus se réfugiaient auprès de leurs frères à Javan. Joseph et son armée retournèrent en Égypte, sans avoir perdu un seul homme.
Peu de temps après, la prophétie de Joseph se confirma: cette année-là et les six années suivantes furent des années d'abondance, comme il l'avait prédit (191) ; la récolte fut si abondante qu'un seul épi produisit deux monceaux de grains (192), et Joseph fit des préparatifs minutieux pour subvenir en abondance aux années de famine. Il recueillit tout le blé, et, dans la ville située au milieu de chaque district, il amassa les produits des environs ; il fit répandre sur les denrées récoltées de la cendre et de la terre provenant du sol même où elles avaient poussé (193) ; il conserva aussi le grain dans l'épi ; toutes ces précautions étaient prises pour se préserver de la pourriture et de la moisissure. Les habitants de l'Egypte essayèrent aussi, pour leur propre compte, de mettre de côté une partie de la récolte surabondante des sept années fécondes pour les besoins de l'avenir ; mais quand vint le temps douloureux de la disette, et qu'ils allèrent à leurs entrepôts pour en sortir le grain précieux, voici qu'il avait pourri et était devenu impropre à la nourriture (194). La famine éclata sur le peuple avec une telle soudaineté que le pain vint à manquer de manière inattendue, alors qu'ils étaient assis à leur table, de sorte qu'ils n'eurent même pas une bouchée de pain de son.
Ils furent donc amenés à s'adresser à Joseph et à implorer son aide. Il leur dit: «Abandonnez vos idoles trompeuses, et dites: Béni soit celui qui donne du pain à toute chair ! Mais ils refusèrent de renier leurs dieux menteurs, et ils se rendirent auprès de Pharaon, qui leur dit: «Allez vers Joseph ; ce qu'il vous dira, faites-le.» Pharaon en fut récompensé. Dieu lui accorda une longue vie et un long règne, jusqu'à ce qu'il devienne arrogant et qu'un châtiment bien mérité l'atteigne (195).
Lorsque les Égyptiens demandèrent du pain à Joseph, celui-ci prit la parole et dit: «Je ne donne pas de nourriture aux incirconcis. Partez, circoncisez-vous, et revenez ici.» Ils entrèrent chez Pharaon et lui firent des reproches au sujet de Joseph, mais il leur dit comme auparavant: «Allez à Joseph !» Ils répondirent: «Nous venons de la part de Joseph, et il nous a parlé durement en disant: Allez vous faire circoncire. Nous t'avions prévenu dès le début qu'il était Hébreu et qu'il nous traiterait de la sorte. Pharaon leur dit: «O fous, n'a-t-il pas prophétisé par le Saint-Esprit et annoncé au monde entier qu'il y aurait sept années d'abondance suivies de sept années de disette ? Pourquoi n'avez-vous pas mis de côté le produit d'une ou deux années pour le jour où vous en aurez besoin ?»
En pleurant, ils lui répondirent: «Le grain que nous avons mis de côté pendant les bonnes années a pourri.»
Pharaon: «N'avez-vous plus rien de la farine d'hier ?»
Les Égyptiens: «Le pain dans la corbeille a pourri !»
Pharaon: «Pourquoi ?»
Les Égyptiens: «Parce que Joseph l'a voulu !»
Pharaon: «Si sa parole a un pouvoir sur le grain, qu'elle le fait pourrir quand il le veut, alors nous devons aussi mourir, si telle est sa volonté à notre égard. Allez donc à lui, et faites ce qu'il vous dira» (196).