Lecture d'un commentaire (7766)


Mt 15,7

Commentaire: l'un et l'autre sont purs, si on les considère dans le son de la voix qui les prononce, aussi bien que dans les lettres et les syllabes qui les composent; mais considérés dans leur signification, le nom de fou, peut recevoir la qualification d'impur, non pas dans sa nature, mais parce qu'il signifie quelque chose d'impur. Peut-être aussi que le fou est dans l'ordre des réalités ce que le porc est dans l'ordre des figures. Ainsi cet animal et ce mot latin de deux syllabes (stultus), que nous traduisons par fou, auraient une seule et même signification; car la loi répute le porc im monde, parce qu'il ne rumine pas, ce qui tient à sa nature, et n'est point un vice en lui. Il est des hommes qui sont figurés par cet animal, et qui sont impurs par leur propre faute et non par nature, parce qu'après avoir écouté volontiers les leçons de la sagesse, ils n'y pensent plus en aucune façon. Car si après avoir reçu des enseignements utiles, vous les rappelez comme des entrailles de votre mémoire, et que vous reportiez la douceur de ce souvenir comme dans la bouche de la pensée, que faites-vous en cela, que ruminer spirituellement? Ceux qui agissent différemment sont figurés par les animaux impurs. Or, cette multitude de choses qui nous sont proposées ou dans des expressions allégoriques, ou dans des observ ances figuratives, font sur les esprits raisonnables une douce et salutaire impression. Mais un grand nombre de ces choses étaient pour le peuple juif autant de préceptes qu'il devait non seulement écouter, mais encore mettre en pratique. C'était le temps où les mystères, dont Dieu réservait la révélation aux siè cles qui suivirent, devaient être prophétisés non-seulement par des paroles, mais encore par des faits. Lorsque plus tard ces mystères ont été révélés par le Christ, et dans le Christ, ces obser vances n'ont pas été imposées comme un joug aux nations qui embrassèrent la foi, mais l'autorité de la prophétie qu'elles contenaient a conservé toute sa force. Or, je demanderai aux Manichéens si cette maxime du Seigneur: «Ce qui entre dans la bouche ne souille pas»,est vraie ou fausse; s'ils prétendent qu'elle est fausse, pourquoi leur docteur Adimantus, qui re connaît qu'elle vient de Jésus-Christ, s'en fait une arme pour battre en brèche l'Ancien Testa ment? Si elle est vraie, comment peuvent-ils admettre contre sa déclaration que la nourriture souille l'homme ?


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)