Lecture d'un commentaire (7505)


Mt 13,24

Commentaire: Lorsqu'un chrétien, dans le sein de l'Église, est reconnu coupable d'un crime qui mérite anathème, et qu'on n'a pas à craindre le schisme, qu'il soit soumis à l'anathème, avec un sentiment de charité qui se pro pose, non pas de le déraciner, mais de le corriger. S'il ne reconnaît pas sa faute, s'il n'en fait pas pénitence, il sera mis hors de l'Église, et séparé par sa propre volonté de la communion des fidèles. C'est pour cela que le Seigneur, après avoir dit: «Laissez croître l'un et l'autre jus qu'à la moisson», en donne cette raison: «De crainte qu'en arrachant l'ivraie, vous ne déraci niez en même temps le froment».Il est donc évident que, lorsqu'on n'a pas à craindre cet in convénient, et qu'on est tout à fait certain que le bon grain ne court aucun danger, c'est-à-dire lorsque le crime est connu de tous, et qu'il inspire une telle horreur qu'il ne trouve point de défenseur, ou au moins de défenseur qui puisse devenir l'auteur d'un schisme, on ne doit pas laisser dormir la sévérité de la discipline. La répression du crime sera d'autant plus efficace, que les lois de la charité auront été plus respectées; mais si le mal a gagné la multitude, la seule chose utile à faire, c'est de s'affliger et de gémir. Il faut donc reprendre avec miséricorde ce qu'on peut corriger; et ce qui est incorrigible, il faut le supporter avec patience, pleurer et gémir par un sentiment de charité jusqu'à ce que Dieu lui-même se charge de reprendre et de corriger, et attendre jusqu'à la moisson pour arracher l'ivraie et pour jeter la paille au vent. Mais lorsqu'on peut élever la voix au milieu du peuple, il faut atteindre la multitude des coupa bles par des reproches généraux, surtout si un fléau envoyé du Ciel nous offre l'occasion favo rable de leur rappeler qu'ils ont reçu le châtiment qu'ils méritaient. Alors le malheur qui les frappe leur fait écouter avec humilité la parole qui leur démontre la nécessité de changer de vie, et cette parole inspire à leurs coeurs affligés les gémissements d'une confession pleine de re pentir plutôt que les murmures de la résistance. Mais alors même qu'aucune calamité ne serait venu frapper les coupables, on peut, toutes les fois que l'occasion s'en présente, reprendre les vices de la multitude en s'adressant à elle directement; car de même que les hommes s'irritent de ce qui leur est reproché en particulier, les reproches qui sont adressés à la multitude dont ils font partie excitent en eux des gémissements salutaires.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)