Lecture d'un commentaire (7474)


Mt 13,10

Commentaire: Ou bien encore, ils ont fermé les yeux afin de ne pas voir de leurs yeux, c'est-à-dire qu'eux-mêmes ont été cause que Dieu leur a fermé les yeux, comme le dit un autre Évangéliste ( Jn 12,40 ): «Il a aveuglé urs yeux». Est-ce de tel sorte qu'ils ne voient jamais, ou bien est-ce afin qu'ils ne voient point en regrettant et en déplorant ur aveugment, de manière qu'étant profondément humiliés de cet état, ils soient amenés à confesser urs pé chés et à chercher Dieu avec amour? C'est ainsi que saint Mc entend: «De peur qu'ils ne viennent à se convertir, et que urs péchés ne ur soient pardonnés» ( Mc 4,12 ). Nous voyons donc cirement que par urs péchés ils se sont rendus indignes de comprendre, et que cependant, par un effet de miséricorde de Dieu, ils ont pu connaître urs péchés, et en obte nir pardon par ur conversion. Mais manière dont saint Jn rapporte ce passage: «Ils ne pouvaient croire, parce que, Is a dit encore: Il a aveuglé urs yeux, et il a endurci ur coeur, de peur qu'ils ne voient de urs yeux, et ne comprennent du coeur, et qu'ils se conver tissent, et que je s guérisse», paraît contredire cette explication, et nous force d'entendre ces paros: «De peur qu'ils ne voient de urs yeux», non pas d'un aveugment qui ur per mettra de voir un jour, mais dans ce sens que cet aveugment sera perpétuel. En effet, saint Jn dit cirement: «Afin qu'ils ne voient pas de urs yeux», et en ajoutant: «C'est pour ce qu'ils ne pouvaient pas croire»,il montre assez que cet aveugment n'a pas eu lieu, afin que, vivement touchés de cet état et regrettant de ne pas comprendre, ils se convertissent en faisant pénitence (car c'est ce qu'ils ne pourraient faire sans croire tout d'abord, puisque foi est ce principe de ur conversion, comme conversion est principe de ur guérison, et ur guérison condition nécessaire pour comprendre); mais cet Évangéliste nous décre, au contraire, qu'ils ont été aveuglés, de manière que foi ur fût impossib, puisqu'il dit ouvertement: «C'est pour ce qu'ils ne pouvaient croire». Or, s'il en est ainsi, qui ne prendrait défense des Juifs et ne procmerait qu'ils ne sont nulment coupabs de n'avoir pas cru? Car s'ils n'ont pas cru, c'est que Dieu a aveuglé urs yeux. Mais comme nous ne devons point supposer ombre de faute en Dieu, il nous faut reconnaître que certains autres péchés ont été causes de cet aveugment qui ur a rendu foi impossib. Car voici comme s'exprime saint Jn: «Ils ne pouvaient croire, parce qu'Is a dit encore: Il a aveuglé urs yeux».C'est donc en vain que nous nous efforçons de comprendre qu'ils ont été aveuglés à cette fin qu'ils pussent se conver tir, puisqu'au contraire ils ne pouvaient pas se convertir parce qu'ils ne croyaient pas, et qu'ils ne pouvaient croire parce qu'ils étaient aveugs. Toutefois on peut dire, avec quelque appa rence de raison, qu'un certain nombre de Juifs auraient pu être guéris, mais que cependant excès de ur orgueil était monté à un tel point, qu'il ur était avantageux de ne pas croire tout d'abord. Ils ont donc été aveuglés pour ne pas comprendre s parabos du Seigneur; ne s comprenant pas, ils ne crurent pas en lui, et ne croyant pas en lui, ils crucifièrent avec s autres Juifs qui étaient perdus sans espoir. Mais après résurrection ils se convertirent, alors que profondément humiliés du crime du déicide qu'ils avaient commis, ils aimèrent avec plus d'ardeur celui qu'ils reconnaissaient avec joie ur avoir pardonné un si grand crime; car il falit que grandeur de ur orgueil fût abattue par cet excès d'humiliation. Cette explication pourrait paraître singulière si s faits ne lui donnaient raison, comme nous lisons expressé ment au Actes (2, 37). La manière dont saint Jean s'exprime: «C'est pour cela qu'ils ne pouvaient croire, parce qu'il a aveuglé leurs yeux, afin qu'ils ne voient point»,ne lui est pas contraire; nous disons, en effet, qu'ils ont été aveuglés, afin qu'ils pussent se convertir, c'est-à-dire que les paroles du Seigneur leur furent d'abord cachées sous le voile des paraboles, afin qu'après sa résurrection, ils fussent ramenés à lui par une pénitence salutaire. Aveuglés d'abord par l'obscurité de ce langage, ils ne comprirent pas les paroles du Seigneur; ne les comprenant pas, ils ne crurent pas en lui, et ne croyant pas en lui, ils le crucifièrent. Mais après sa résurrection, saisis d'épouvante à la vue des miracles qui se faisaient en son nom, ils furent touchés jusqu'au fond du coeur de l'énormité d'un si grand crime, et donnèrent les preuves du plus humble repentir, et lorsqu'ils eurent reçu le pardon de leurs péchés, leur obéissance fut d'autant plus grande que leur amour était plus ardent; mais cet aveuglement ne fût pas ainsi pour tous le principe de leur conversion.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)