Lecture d'un commentaire (6381)


Mt 6,31

Commentaire: C'est par ces signes éclatants que se fait connaître la Providence divine. Comment expliquer, en effet, sans une Providence spéciale, la durée de tous les êtres (de ceux en particulier qui sont soumis aux lois de génération et de corruption), la place qu'ils occupent, le rang qui leur est assigné dans la création d'après un plan constamment suivi ? Mais il en est qui prétendent que Dieu ne s'occupe que de l'existence des créatures en général, que sa providence se borne à maintenir cet ordre général, mais que les choses particulières sont abandonnées au hasard. Or, on ne peut donner que trois raisons de cette conduite de la Providence abandonnant au hasard les choses particulières : ou bien Dieu ignore qu'il est bon d'étendre sur elles sa providence, ou bien il ne le veut pas, ou c'est chez lui impuissance. Quant à l'ignorance, elle répugne souverainement à cette divine et bienheureuse nature Et comment voudrait-on que Dieu ignorât ce qui ne peut échapper à l'homme sage : que la ruine des choses particulière entraîne la ruine des choses générales ? Or, comment empêcher cette destruction des êtres individuels sans une puissance toute providentielle ? Dira-t-on que Dieu ne le veut pas ? Ce ne pourrait être que par négligence ou parce qu'il regarde comme indigne de lui cette Providence de détail. La négligence ne peut venir que de deux causes : ou de l'attrait d'un plaisir qui nous captive, ou d'une crainte qui nous détourne d'agir. Or, il n'est pas permis de supposer en Dieu l'une de ces deux causes. S'ils disent qu'il est inconvenant pour Dieu et indigne de cette béatitude infinie de descendre aux petites choses, pourquoi n'est-il pas inconvenant qu'un ouvrier qui s'occupe de l'ensemble de son ouvrage s'applique en même temps aux plus petits détails, parce qu'ils contribuent à la perfection du tout ? Et n'est-ce pas une souveraine inconvenance que de prétendre que le Dieu créateur du monde est inférieur à un simple artisan ? Si Dieu ne le peut pas, il y a chez lui faiblesse, impuissance de faire le bien. Que si cette Providence qui s'étend aux plus petits détails de la création est incompréhensible pour nous, est-ce une raison pour nier son existence ? Pourquoi donc aussi ne pas nier qu'il y ait des hommes sur la terre, parce que nous ignorons le nombre de ceux qui existent.


Source: Saint Grégoire de Nysse (Peronne-Vivès 1868)