Lecture d'un commentaire (5578)


Mt 3,11

Commentaire: Si l'on demande ici quelles sont les vraies paroles de Jean-Baptiste, celles que lui prête saint Matthieu, ou bien celles que lui fait dire saint Marc ou saint Luc, nous répondrons que cette difficulté ne doit pas arrêter un instant celui qui fait cette observation judicieuse que toutes ces maximes sont nécessaires pour faire connaître la vérité, quelle que soit d'ailleurs leur expression. Nous devons conclure de là qu'il ne faut pas regarder comme mensonger le récit tout différent, sous le rapport de la forme et de l'expression, que plusieurs personnes peuvent faire d'un même fait qu'elles ont vu ou entendu. Celui qui prétend que l'Esprit saint aurait dû accorder par sa puissance aux apôtres le privilège de ne varier en rien ni sur le choix des mots, ni sur leur nombre, ni sur la place qu'ils occupent, ne comprend pas que plus l'autorité des Évangélistes est grande et plus elle doit servir à fortifier la tranquillité de tout homme qui dit vrai. Mais lorsqu'un Évangéliste dit : Je ne suis pas digne de porter sa chaussure, et un autre : Je ne suis pas digne de délier sa chaussure, la différence ne porte pas seulement sur l'expression, mais sur le fait lui-même. On peut donc rechercher avec raison laquelle de ces deux expressions est sortie de la bouche de Jean-Baptiste. Car la vraie est celle dont s'est servi le saint précurseur et celui qui lui en prête une autre, sans être pour cela coupable de mensonge, sera nécessairement accusé d'oubli en disant une chose pour une autre. Or on ne peut admettre dans les Évangélistes aucune erreur, qu'elle ait pour cause le mensonge ou un simple oubli. Si donc on doit regarder ces deux expressions comme réellement différentes, il faut dire que Jean s'est servi de toutes les deux, ou dans des temps différents, ou successivement dans la même circonstance. Mais si saint Jean, en parlant de la chaussure de Jésus, n'a voulu exprimer autre chose que l'élévation du Sauveur et sa propre bassesse, quelle que soit l'expression qu'ait employée l'Évangéliste qui au moyen de cette comparaison des chaussures diversement présentée en a fait ressortir la même leçon d'humilité, il a exprimé la même pensée que le saint précurseur, et ne s'est pas écarté de son intention. C'est donc une règle utile, et qu'on ne peut trop se rappeler, qu'il n'y a point de mensonge dans un auteur qui rend la pensée de celui qui fait l'objet de son récit, quand même il lui prêterait des expressions dont il ne s'est pas servi, car il a évidemment la même intention que celui dont il rapporte les paroles.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)