Lecture d'un commentaire (484)


1Jn 1,1

Commentaire: Cette première lettre de Jean, inséparable de son évangile, nous rappelle que la voie chrétienne n’est pas autre chose qu’une divinisation, la nôtre. De tout temps l’idéal chrétien a semblé trop pâle ou trop étroit à beaucoup de gens. Sans critiquer directement les valeurs du christianisme et ses bienfaits pour l’humanité, il leur a semblé qu’il limitait l’homme. Pensons à tous ceux qui ont dit, comme Marx, qu’une libération humaine vraie passait par la lutte contre la foi. Pensons encore à tous ceux qui sont revenus de l’activisme occidental et cherchent dans les sagesses orientales un accès à l’Absolu qu’ils n’ont même pas vu dans la foi chrétienne. Même chez les chrétiens, la religion sentimentale faite d’un enthousiasme pour Jésus, le Maître bon qui enseigne l’amour universel, cache souvent une ignorance des ambitions de la foi. Car, en Jésus, c’est Dieu lui-même que nous voulons atteindre ; nous sommes des chercheurs de la Vérité et nous voulons nous perdre dans cette Vérité d’où nous sommes sortis. Dans cette première lettre Jean affirme : Si vous avez le Fils de Dieu, vous avez toute la Vérité, vous êtes sur la voie de l’Amour authentique, et vous êtes en communion avec Dieu lui-même. Cependant nous nous trompons peut-être en prétendant être dans le Christ. C’est pourquoi Jean précise les critères, les conditions nous permettant de vérifier si nous marchons vraiment dans la lumière et si nous vivons l’amour : — Nous reconnaissons Dieu dans le Christ ; toujours nous devrons remettre sous nos yeux ses actions et sa façon d’être un humain. — Nous croyons être nés d’en haut, de Dieu : nous nous sentirons d’emblée chez nous dans ses commandements. — La foi a renouvelé notre connaissance de Dieu. Mais le plus important est de comprendre son amour et, pour cela, le meilleur enseignement est celui de la croix. Cette lettre de Jean veut remettre en place bien des doutes ou des confusions sur la foi chrétienne, elle se situe au moment où se développait une religion, ou si l’on veut, un mouvement de pensée connu dans l’histoire comme la gnose, ou connaissance. Il y avait là tout un faisceau de théories dans lesquelles s’étaient fondus bien des éléments déjà présents dans les religions dites asiatiques, c’est-à-dire de la province romaine d’Asie, la Turquie actuelle. Paul les avait rencontrées quelques trente ans auparavant (voir : Les Lettres de la Captivité) et maintenant, dans la même Église d’Ephèse, Jean voyait les progrès de la gnose. L’Évangile de Jean avait libéré de toute équivoque la foi au Christ, Fils de Dieu et personne divine, né de Dieu et retourné à Dieu. Mais la gnose était toujours prête à s’emparer des croyances qu’elle rencontrait pour les refondre dans ses contes interminables. Elle essayait d’intégrer la personne de Jésus dans ses dialectiques intellectuelles, dans les luttes entre le Dieu mauvais, celui de l’Ancien Testament, créateur du monde matériel, et le Dieu bon, père des esprits, auquel on a volé un certain nombre d’âmes pour les enfermer dans des corps matériels. Jésus était venu du Dieu bon, mais il n’était que spirituel et il n’avait guère fait que prêcher ; il n’avait eu que l’apparence d’un homme et il n’était pas mort pour nous. La rédemption continuait d’être le processus par lequel les âmes, des étincelles divines, se dégagent de la matière, et pour elles la seule chose importante était de savoir d’où elles venaient. Dès le moment où l’on connaissait les secrets du Dieu de la matière et de celui des esprits, on était spirituel et sauvé. La responsabilité individuelle n’existait pas. On condamnait la procréation mais on encourageait la liberté sexuelle. Il fallait donc réaffirmer que Jésus était le Christ et Sauveur venu dans la chair pour détruire le péché. Et la lettre parlera plus d’une fois de sacrifice et du sang de Jésus. Face à l’irresponsabilité morale inculquée par la gnose, la lettre montre que le monde sera sauvé par la dynamique de l’amour. La révélation du Dieu Amour, celle qui distingue le christianisme de toutes les religions, permet que naisse en nous quelque chose d’éternel et divin qui aura raison du monde, de ses tentations et de sa capacité de mentir et de tuer. La multiplicité des plans proposés pour cette lettre de Jean invite à penser que son déroulement est assez libre. On notera seulement la parenté, pour ne pas dire plus, entre les mots et les idées de cette lettre et ceux de l’Évangile. Elle a dû être écrite dans les années 95-100 et il est hors de doute qu’elle voulait accompagner l’Évangile de Jean. Certains pensent qu’elle entend rectifier des interprétations abusives qu’on pouvait faire de plusieurs passages de cet évangile.


Source: Bible des peuples