Lecture d'un commentaire (4491)


Rm 8,5

Commentaire: La vie humaine du Christ a donc préparé le don de l’Esprit à ceux qui devaient être adoptés et, plus tard, divinisés. Le Christ est venu d’abord, ensuite l’Esprit : Paul nous a d’abord parlé de l’œuvre de salut du Christ (chapitres 5 et 6) ; maintenant il nous parle de l’Esprit. Ceux qui vivent selon la chair. Nous avons dit quelques mots sur le sens de ce mot chair à propos de 7.14. Paul a bien en vue ici les conflits intérieurs de chacun de nous, et la chair désigne une réalité animale dont nous sentons le poids. Mais nous ne trouvons jamais la nature à l’état pur : la nature de l’homme du 20e siècle, ses désirs instinctifs, ses fantasmes, ce dont il lui semble impossible de se passer, dépend en bonne part de notre éducation et notre culture. La tension que nous éprouvons entre la chair et l’esprit, c’est en partie la tension entre notre culture — actuellement la culture libérale avec sa recherche effrénée du plaisir et du toujours neuf — et l’esprit du Christ qui ne cherche que le service du Père. Dans un tel contexte, ne nous étonnons pas des “revendications” de liberté sexuelle de certains groupes qui se veulent chrétiens : ils parlent toujours de droits, comme si un chrétien avait d’autres droits vis-à-vis du Père que celui d’être serviteur comme l’a été Jésus, et de renoncer à soi-même. Au v. 5 nous avons mis : vont aux choses de la chair ; le verbe grec désigne ce qu’on a en tête, ce qu’on désire et qu’on projette ; le même mot reparaît aux vv. 6 et 7 où nous avons mis d’abord “désirs” et ensuite “projets”. C’est à la fois ce que désire d’instinct notre nature, et ce que nous projetons quand nous suivons sans plus les aspirations de nos contemporains. Il n’y a que mort dans les désirs de la chair… Les projets de la chair sont contraires à Dieu… Voilà des affirmations bien choquantes pour nous qui vivons en un monde étranger à la foi et dans lequel, cependant, tant de bonnes choses se font. Disons simplement que l’Esprit de Dieu travaille même là où on ne sait pas le nommer. Mais il n’y a de vie que là où l’on remet en cause les vérités toutes faites. Pour plaire à Dieu il faudra toujours être, comme Abraham, en marge du monde, c’est-à-dire en garde contre la chair. Ceux qui vivent selon l’Esprit (5). Devons-nous écrire “selon l’Esprit”, ou “selon l’esprit” ? Dans la culture biblique, l’esprit est à la fois nôtre et de Dieu. L’esprit est ce que Dieu envoie à l’homme ; c’est aussi l’ouverture de l’homme à l’action de Dieu. Dans ce paragraphe il convient parfois de dire “l’esprit”, notre esprit visité par Dieu ; d’autres fois il faudrait dire “l’esprit”, une façon d’agir de Dieu en nous ; d’autres fois encore “l’Esprit”, Dieu-qui-se-communique. Redisons-le : ce que Paul écrit ici n’est pas de la théorie sur ce qui doit se passer “au fond de notre âme”, mais vient directement de son expérience. L’Esprit qui lui a été donné n’entraîne habituellement qu’une partie de lui-même, son esprit. Le reste, ce qu’il appelle la chair, (il faudrait dire : la réalité vivante, tout le fond de sa psychologie), continue d’être ce qu’elle était. Peut-être même se défoule-t-elle plus librement maintenant, parce que lui, l’esprit, n’est pas tout le temps occupé à la réprimer pour la soumettre à la Loi comme il essayait de faire auparavant (7.15-25). C’est qu’elle ne peut pas se soumettre, elle ne peut que désirer repos et nourriture, rêver de sexe et de bien-être. Paul assiste donc comme de l’extérieur à ces désirs de la chair, mais il est solidement installé dans l’esprit. Cet esprit est maintenant sous l’influence de l’Esprit de Dieu et connaît la joie de se laisser emporter. Paul continue donc de voir et sentir en lui des contradictions (2Corinthiens 12.7), mais ce n’est plus l’épreuve de force où il se meurtrissait : il assiste à une victoire de l’Esprit. Paul n’oublie pas que d’autres sont moins avancés que lui et doivent encore conquérir péniblement leur liberté. Il ne leur dit pas que la chair est mauvaise, mais qu’il faut faire mourir les œuvres du corps (13) : c’est ce que nous appelons la mortification.


Source: Bible des peuples