Lecture d'un commentaire (2881)


Lc 1,39

Commentaire: La visite de Marie à Élisabeth entend souligner le lien entre Jean Baptiste et Jésus, si différents. Mais là encore Marie occupe le centre de la scène. Elle doit être fort jeune et n’est sans doute guère sortie de la maison paternelle. Elle est partie comme pour une mission à remplir, et c’est ce qui se réalise lorsqu’elle entre dans la maison de Zacharie, porteuse de l’Esprit qui s’empare du prophète Jean Baptiste avant même sa naissance (voir Luc 1.15). La “visitation”, comme on l’appelle traditionnellement, est donc un fait notable de l’œuvre de salut déjà commencée en Israël. Le cantique de Marie n’est pas moins remarquable. Dans le peuple juif du temps de Jésus, bien qu’il fût le plus alphabétisé de tout l’empire romain, la culture restait essentiellement orale. Tout événement familial ou local était immédiatement traduit en prose rythmée, selon des lois qui permettaient de le mémoriser immédiatement et de le répéter. On ne concevait pas une naissance, un décès, sans une telle récitation qui, par bien des aspects, était l’héritière de la littérature prophétique. Les femmes en étaient généralement chargées, et si elles étaient exclues de la synagogue, c’est dans cette “littérature orale” qu’elles apprenaient et retrouvaient les sentences de l’Écriture. Les proverbes y tenaient une bonne place, mais dans ces années difficiles, personne dans le peuple n’ignorait les versets de l’Écriture considérés alors comme messianiques. Marie n’a pas attendu d’être chez Zacharie pour improviser le Magnificat. Elle s’était dit et elle avait dit à l’enfant qu’elle portait en elle ce que serait son nom et comment il le mériterait. Et elle l’avait exprimé par un tissu de citations bibliques. Quand ces récitations étaient bien tournées, les témoins et les voisins les retenaient et elles pouvaient rester vivantes des années durant. C’est ainsi que Luc aura reçu le chant de Marie, soit d’elle-même, soit de sa famille, tout comme l’ensemble de ces deux chapitres. On remarquera que si Luc a placé dans l’annonce de l’ange quelques paroles qui trahissent une compréhension du mystère de Jésus postérieure à cette annonce (1.35), ici en revanche il a laissé à la récitation de Marie ce qu’elle avait de vert et de printanier… et de juif. Il y a d’abord l’action de grâces, qui sera une des caractéristiques des temps de l’Évangile, l’âme de nos “eucharisties” Marie se voit au centre de l’œuvre de Dieu et elle se voit aussi comme l’exemple de la façon que Dieu a de conduire le monde. Elle annonce une révolution qui a déjà commencé avec la venue du Sauveur et qui continuera tout au long de l’histoire. Le cantique de Marie rappelle les béatitudes proclamées par Jésus au début de sa prédication aux foules ( Luc 6.20). L’Évangile n’oublie rien de l’attente du peuple d’Israël qui réclamait la prise en compte des pauvres : jusqu’à la fin du monde ce sera l’une des lignes maîtresses de l’effort humain. Mais aussi il affirme que dès à présent, ce qui est le plus caractéristique des interventions de Dieu, c’est le regard qu’il jette sur celui qui n’a rien et qui n’est rien. Il choisit, il donne, et toujours sans qu’on l’ait mérité.


Source: Bible des peuples