Lecture d'un commentaire (2777)


Jn 8,24

Commentaire: Si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez avec vos péchés. Il est fort douteux que Jésus l’ait dit tel que, au moins dans un tel contexte : il est permis de le lire comme une interprétation de l’auteur sacré que Dieu lui-même a prise à son compte. Cette parole de Jésus appelle bien des commentaires :
1. D’abord, il est clair qu’avec ce Je Suis Jésus s’attribue un rang divin, disons-le clairement, la nature divine, se faisant l’égal de Yahvé Dieu ( Jean 5.18).
2. Ces discours semblent parfois bien longs, bien répétitifs, trop polémiques. Ils sont très loin des faits et gestes qu’on lit dans les autres évangiles. Nous avons là deux mondes différents. Les évangiles synoptiques montrent habituellement Jésus dans le monde des gens simples, et c’est de là qu’il a pris ses Douze. Le peuple ordinaire vit sa foi sans presque le dire : on est affligé et l’on cherche un Dieu compatissant, on vient à Jésus. Ici, au contraire, on est à Jérusalem et les auditeurs ou les objecteurs sont le monde dont fait partie Jean, le disciple que Jésus aimait. Prêtres, pharisiens, classes moyennes plus cultivées se voient obligées à situer la foi en Jésus face aux Écritures et a la foi traditionnelle.
3. Pour l’évangéliste, l’opposition n’est pas entre la foi traditionnelle de l’Ancien Testament et la foi en Jésus, comme si la première devait être disqualifiée. Mais il y a un temps pour tout, un âge adulte de la personne, une plénitude des temps, une heure où Dieu réalise sa promesse de donner l’Esprit. La venue de ces temps nouveaux remet en cause la foi devenue habitude : les croyants ne peuvent qu’avancer ou reculer, ressusciter ou tomber ( Luc 2.34), croire en Jésus ou se scandaliser face à lui ( Luc 7.23). Les opposants s’attachent à l’Écriture mais ne savent pas voir les faits et les signes d’un Dieu qui continue d’agir ( Jean 5.17) ; ils croient qu’ils ont tout compris de l’Écriture ; ils croient que leur violence face aux vérités nouvelles est une forme de la foi ( Jean 16.2).
4. Dans ces chapitres Jean parle de croire, sans plus, de croire en Jésus, de croire à ses paroles. La foi, ici, a la même variété de significations qu’elle a chez nous. Mais toutes les expressions ne disent pas également ce que la foi est en profondeur. Croire aux paroles de Jésus est une bonne chose, mais croire en lui signifie beaucoup plus. Lorsque Jésus dit : Je et révèle son identité, ce n’est pas d’abord pour que nous le sachions mais pour que naisse un acte de foi différent de ce qu’on savait faire jusque là. Il dit qu’il est l’envoyé de Dieu, et il ajoute : croyez en l’envoyé de Dieu. Il dit : je suis sorti de Dieu, et : croyez que je suis sorti de Dieu. Et pour finir, il affirme ce qui est le plus difficile à accepter : Je Suis, et : croyez que Je Suis. La foi n’est pas chrétienne si elle ne va pas jusque là, et aucun intellectuel ne peut s’en dispenser. Mais alors, face au Verbe fait chair, il n’y a plus d’autre attitude possible que l’adoration (Jean 9.38). On a enfin dépassé les discussions théologiques, nécessaires à certains moments, et l’on accède à l’état où, plongé en Dieu, on est purifié de tous ses péchés.


Source: Bible des peuples