Lecture d'un commentaire (2310)


Gn 49,3

Commentaire: LE SORT INÉGAL DES TRIBUS La tribu de Ruben, sur l’autre rive du Jourdain, n’a guère prospéré : aucun des personnages fameux de la Bible n’en est issu. La faute qu’on attribue à l’ancêtre rappelle sûrement une attitude de cette tribu que les autres ont considérée alors comme une trahison de la cause commune. Siméon, au sud de Juda, ne réunissait que quelques villages et fut absorbé par sa voisine. Ruben, Siméon, Lévi et Juda étaient les quatre fils de Lia, l’aînée des épouses de Jacob (voir Genèse 35.23). Ces tribus, semble-t-il, séjournaient depuis longtemps déjà à Qadesh lorsqu’arrivèrent en ce lieu les compagnons de Moïse. Ces derniers, qui allaient être à l’origine des tribus filles de Rachel (Éphraïm, Manassé et Benjamin), leur transmirent la révélation de l’Horeb. À la différence de Siméon qui disparut, Lévi, dispersé lui aussi entre les autres tribus, demeura comme une caste privilégiée : c’était la tribu de Moïse ( Exode 2.1), et les seuls prêtres reconnus par la Loi. Dans le récit du Veau d’Or ( Exode 32.26) ils reçoivent une bénédiction qui est de fait leur consécration comme prêtres : en Exode 32.29 le texte dit : “vos mains ont été remplies pour Yahvé” ce qui était le terme technique de la consécration sacerdotale. Dans les bénédictions de Moïse, postérieures à celles-ci, on ne parlera plus de Siméon, mais on aura oublié le châtiment de Lévi pour ne plus voir que son privilège ( Deutéronome 33.8). Les lévites étaient alors des familles pauvres qui ne disposaient pas d’un territoire propre et qui allaient d’une place à l’autre dans l’espoir de trouver un sanctuaire où ils pourraient vivre de leurs fonctions (voir Juges 18 et 19). Juda s’est formé très probablement par le regroupement de divers clans situés dans le sud de la Palestine. Les Kénizites devaient occuper une place toute particulière parmi eux si l’on en juge par l’importance reconnue à Caleb, le Kénizite, dans les récits de la conquête ( Nombres 13.6 ; 32.12). Selon les bénédictions de Moïse, postérieures à celles-ci ( Deutéronome 33.7), Juda est resté longtemps à part dans ses montagnes, de fait, jusqu’au roi David. La prééminence reconnue à Juda aux versets 9-12 signifie peut-être que ce paragraphe a été revu ou inséré ici lorsque la dynastie de David était devenue le centre d’Israël. Mais on n’en a pas corrigé pour autant le paragraphe qui donnait la première place aux tribus du nord appelées “maison de Joseph”. Celui qui a écrit l’histoire de Joseph, patron commun des tribus d’Éphraïm et de Manassé, n’ignorait pas qu’elles étaient, au même titre que Benjamin, et plus que toutes les autres, le peuple de Moïse. Elles ont été durant des générations les héritières de son message, jusqu’au jour où, par une décision du Dieu que nul ne peut s’approprier, elles ont disparu. Elles n’avaient pas accepté l’unification réalisée par David, et la fondation d’un pouvoir rival à Sichem avec Jéroboam pour roi avait consacré leur aveuglement face aux signes des temps. Deux siècles plus tard survint le naufrage de ce royaume sans que se trouve une minorité capable de sauver son héritage, comme cela devait arriver pour Juda. La bénédiction qu’ils reçoivent dans ce chapitre remonte au temps où ils formaient le noyau du peuple de Dieu. Le nom d’Issacar lui vaut un jeu de mots car il se prononce comme “salarié”. Une tribu qui sans doute s’est jointe aux autres sans grand enthousiasme : ils ne demandaient qu’à vivre en paix à côté des Cananéens en se mettant à leur service. Les tribus sœurs n’avaient pas toutes le même passé ni la même dignité. Les “fils des servantes” Bila et Zilpa ont dû se joindre aux autres sans avoir participé aux grandes expériences fondatrices avec Moïse et à Qadesh.


Source: Bible des peuples