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Mt 19,25

Commentaire: « Qui donc peut être sauvé ? Aux hommes c’est impossible… » - Helmut Gollwitzer (extr. La joie de Dieu) cité dans Daniel Bourguet : l’Evangile médité par les Pères - Matthieu - ed. Olivetan

Du point de vue humain, la question de la vie éternelle ne saurait aboutir qu'à une défaite, se heurtant au mur de cet « impossible »!
La destinée ou les conditions défavorables de l'existence humaine n'ont rien à faire avec cet échec : l'impossibilité en question est plus grave encore. La faillite de l'homme provient de la servitude où l'enchaîne son propre « moi ». Il se ferme ainsi à lui-même le chemin de la vie éternelle.

Les disciples ont si bien compris la fin du dialogue entre Jésus et le jeune homme riche, qu'ils en sont effrayés. Ils se voient eux-mêmes inclus dans cet échec.
En découvrant l'universalité du jugement de Jésus, ils sentent à quel point ils sont encore accrochés aux richesses de cette vie. L'accès au Royaume se révèle soudain pour tous aussi étroit que pour ces riches dont parle Jésus dans sa parabole.

Alors s'élève la demande inquiète des disciples : qui peut encore être sauvé ?
Car la loi comprise comme un moyen de salut ou un potentiel humain de grâce, se heurte toujours à cet « impossible ».

Mais il reste encore ici une merveilleuse possibilité.
Cette possibilité, Jésus la proclame ici ouvertement. Il ne le fait plus sous la forme d'une loi, toujours susceptible de fausses interprétations, mais sous la forme de l'Évangile : cela « est possible pour Dieu ».
Telle est la réalité du Royaume de Dieu apportée par Jésus. C'est dans sa venue que l'« impossible» des hommes devient le « possible divin ».

Ce que la Loi ne pouvait faire, Dieu l'a réalisé en envoyant son propre Fils. [C’est-à-dire son Esprit, son Souffle dans l’humain.]

L’homme [avec son ego] ayant échoué devant le commandement, Dieu reprend alors en mains l'œuvre de salut. Le sens de la grâce est désormais éclairci.

La mise au point de Jésus exige toute notre attention. Il ne conteste pas la nécessité du sacrifice [vis-à-vis de ses attachements égocentriques et mondains]. Le gain du Royaume suppose, au départ, perte et abandon. Il oblige à abandonner sa maison, ses frères, ses parents, sa femme et ses enfants.
Mais ce renoncement n'est qu'un début et non la fin. Les yeux des disciples attachés aux choses de ce monde sont [désormais] dirigés vers l'éon [vers le règne] qui vient.

Celui qui écoute cette promesse et cette consolation, en oubliant qu'elles sont faites par le Christ présent et incarné, les transpose dans un au-delà lointain et irréel. Mais Jésus est déjà dans le temps présent, le Seigneur de l'éon futur [de ce règne qui vient].

C'est là, certes, une connaissance de la foi, mais celle-ci est entourée de signes qui viennent la confirmer. Jésus étant déjà le Seigneur du siècle présent, l'assurance d'un toit et d'une famille est sans cesse donnée au disciple qui les a sacrifiés pour suivre Jésus ; et cela, chaque fois qu'il en a besoin.

Les sacrifices et même la mort finale du disciple rappellent au monde qu'il passe. Mais cela ne saurait, un seul instant, ébranler la confiance du disciple dans le Seigneur, qui, même dans le temps présent, lui donne « abondamment » le nécessaire, en dépit des apparences et de la raison.


Source: Daniel Bourguet