Lecture d'un commentaire (2066)


Ap 20,7

Commentaire: Nous observons ici un brusque changement de vitesse de la vision prophétique. Jean a parlé longuement de l’idolâtrie romaine et des persécutions du pouvoir totalitaire, puis, avec le chapitre 20 nous sommes entrés dans les temps qui suivent et Jean n’y voit apparemment que le bonheur de la paix retrouvée. La bête totalitaire et le faux Christ — des institutions plutôt que des personnes, ont été envoyés au feu éternel, et les suppôts de Satan ont été éliminés purement et simplement (19.21). Ce n’est qu’après ces mille ans de paix résumés en quelques lignes, que le démon se remet au travail ; en deux paragraphes la grande révolte (Paul parlera de l’apostasie en 2Thessaloniciens 2.3) est matée et l’histoire se termine avec le démon renvoyé à l’enfer. Nous retrouvons ici ce qui déjà se notait chez les prophètes de l’Ancien Testament : la prophétie voit dans les événements du moment une présence avant terme du Jugement, elle passe par-dessus tout ce qu’ils ont de positif et ne veut montrer que ce qui en eux appelle une intervention de Dieu. Ensuite, tout le temps qui s’écoulera entre la fin du système actuel condamné et la fin de l’histoire n’est plus qu’un grand flou : le prophète n’était pas là pour décrire d’avance le déroulement des événements. Il y a une continuité entre la prophétie de l’Ancien Testament et la prophétie chrétienne. Même si la Révélation se ferme, et de façon définitive, avec l’Apocalypse, le charisme prophétique ne s’éteint pas pour autant. Bien des personnes, aujourd’hui, se tournent vers les messages célestes, d’autant plus nombreux que le monde s’est considérablement agrandi et que les révolutions en cours ont mis à bas nos certitudes. Quelle que soit la part de la crédulité et de l’illusion dans les messages célestes qui fleurissent un peu partout, il serait très injuste de mépriser tous ces avertissements ; ils proviennent bien souvent de “prophètes” dont le charisme est difficile à récuser. Il faut même ajouter un fait nouveau très important dans la vie de l’Église en ce siècle, et c’est l’abondance et l’impact des grandes apparitions mariales. On pourrait dire que Marie, sans avoir acquis le monopole de la prophétie chrétienne, s’en est réservé une bonne part, et les conversions tout autant que les messages liés à ces apparitions sont devenus un facteur important de l’évangélisation. La plupart du temps les messages prophétiques ne font que redire de façon pressante, avec des images qui frappent l’imagination et des signes qui emportent la conviction, les appels de l’Évangile à la conversion et l’imminence du jugement de Dieu sur les systèmes idolâtriques qui nous emprisonnent. Même si leur message n’apporte rien de plus que ce que nous trouvons dans l’Écriture lue avec foi, ces prophéties ne sont pas inutiles, car elles touchent ceux à qui l’Église ou les circonstances n’ont pas permis d’entrer dans la Bible. Il ne s’agit donc pas d’ignorer la prophétie chrétienne de notre temps du haut d’une science théologique souvent plus rationaliste que croyante ; l’Esprit et les esprits sont tout aussi nécessaires que les biblistes et les prélats dans la vie de l’Église, même s’ils menacent les divers monopoles de l’autorité. Par contre il faut appliquer à la prophétie les critères de la Bible. Nous devrons écouter les avertissements, prêter attention aux signes prochains qui nous sont indiqués ; mais par contre, tout ce qui dans ces messages voudrait nous renseigner sur ce qui arrivera, doit être attribué à l’illusion et aux limites humaines du prophète, non à l’Esprit de Dieu.


Source: Bible des peuples