Lecture d'un commentaire (19204)


Dn 4,15

Commentaire: PIETE DE DANIEL
On ne peut imaginer un personnage plus opposé au trio formé par Hiram et les faux prophètes Achab et Sédécias que le caractère du pieux Daniel. Lorsque Nabuchodonosor lui offrit les honneurs divins (109), il refusa ce qu'Hiram cherchait à obtenir par tous les moyens en son pouvoir. Le roi de Babylone éprouvait pour Daniel une admiration si ardente qu'il le renvoya du pays lorsque le moment fut venu d'adorer l'idole qu'il avait érigée à Doura, car il savait fort bien que Daniel préférerait la mort dans les flammes au mépris des commandements de Dieu, et il n'aurait pu jeter dans le feu l'homme auquel il avait rendu les honneurs divins. D'ailleurs, Dieu voulut que Daniel ne passât pas par l'épreuve du feu en même temps que ses trois amis, afin que leur délivrance ne lui fût pas imputée. (110)
Malgré tout cela, Nabuchodonosor tenta de persuader Daniel d'adorer une idole par des moyens doux. Il fit insérer le diadème d'or du grand prêtre dans la bouche d'une idole et, grâce à la puissance merveilleuse qui réside dans le saint nom inscrit sur le diadème, l'idole acquit la faculté de parler et prononça les mots: «Je suis ton Dieu». C'est ainsi que beaucoup furent séduits pour adorer l'image. Mais Daniel ne se laissa pas tromper aussi facilement. Il obtint du roi la permission d'embrasser l'idole. Posant sa bouche sur celle de l'idole, il adjura le diadème en ces termes: «Je ne suis qu'un être de chair et de sang, mais en même temps un messager de Dieu. Je te recommande donc de veiller à ce que le nom du Saint, béni soit-il, ne soit pas profané, et je t'ordonne de me suivre.» C'est ainsi que les choses se passèrent. Lorsque les païens vinrent avec des musiques et des chants pour honorer l'idole, celle-ci n'émettait aucun son, mais une tempête se déchaîna et la renversa. (111)
À une autre occasion, Nabuchodonosor tenta de persuader Daniel d'adorer une idole, cette fois un dragon qui dévorait tous ceux qui l'approchaient et qui était donc adoré comme un dieu par les Babyloniens. Daniel lui fit manger de la paille mélangée à des clous, et le dragon mangea et périt presque immédiatement. (112)
Tout cela n'empêchait pas Daniel de garder constamment à l'esprit le bien-être du roi. C'est ainsi que, lorsque Nabuchodonosor se mit à mettre de l'ordre dans sa maison, il voulut mentionner Daniel dans son testament comme l'un de ses héritiers. Mais le Juif refusa en ces termes: «Loin de moi l'idée de quitter l'héritage de mes pères pour celui d'un incirconcis.» (113)
Nabuchodonosor mourut après avoir régné quarante ans, aussi longtemps que le roi David. (114) La mort du tyran a apporté l'espoir et la joie dans bien des cœurs, car sa sévérité avait été telle que, de son vivant, personne n'osait rire, et lorsqu'il descendit au séjour des morts, ses habitants tremblèrent, craignant qu'il ne vienne régner sur eux aussi. Mais une voix céleste l'appela: «Descends et couche-toi avec les incirconcis». (115)
L'inhuMton de ce grand roi ne fut pas du tout ce à quoi on aurait pu s'attendre, et pour cause: Pendant les sept années que Nabuchodonosor passa parmi les bêtes, son fils Evil-Mérodac régna à sa place. Nabuchodonosor réapparut après sa période de pénitence et incarcéra son fils à vie. Lorsque la mort de Nabuchodonosor survint effectivement, Evil-Mérodac refusa d'accepter les hommages que les nobles lui apportaient en tant que nouveau roi, car il craignait que son père ne soit pas mort, mais qu'il ait seulement disparu une fois et qu'il revienne à nouveau. Pour le convaincre du bien-fondé de ses craintes, on fit traîner dans les rues le cadavre de Nabuchodonosor, gravement mutilé par ses ennemis. (116)
Peu après, Sédécias, roi détrôné de Juda, mourut. Son enterrement eut lieu au milieu de grandes manifestations de sympathie et de deuil. L'élégie qui lui est consacrée se lit comme suit: «Hélas, le roi Sédécias a dû mourir, lui qui a bu la lie que toutes les générations avant lui ont accumulée». (117)
Sédécias atteignit une bonne vieillesse, (118) car si c'est sous son règne qu'eut lieu la destruction de Jérusalem, c'est la faute de la nation, et non du roi, qui avait provoqué la catastrophe. (119)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg