Lecture d'un commentaire (19193)


2R 25,11

Commentaire: LES FILS DE MOISE
Si Nabuchodonosor pensait qu'une fois les Juifs dans les régions de l'Euphrate, ils seraient en son pouvoir pour toujours, il se trompait lourdement. C'est sur les rives mêmes du grand fleuve qu'il subit la perte d'un certain nombre de ses captifs. Lors de la première halte au bord de l'Euphrate, les Juifs ne purent contenir leur chagrin et éclatèrent en larmes et en lamentations amères. Nabuchodonosor leur ordonna de se taire et, pour rendre plus facile l'obéissance à ses ordres, il demanda aux lévites, les ménestrels du Temple, de chanter les chants de Sion pour divertir ses invités au banquet qu'il avait organisé. Les lévites se concertèrent. Ce n'est pas assez que le Temple soit en cendres à cause de nos péchés, devrions-nous ajouter à nos transgressions en faisant jouer les cordes de nos harpes sacrées en l'honneur de ces «nains» ? (54), dirent-ils, et ils furent décidés à résister. Les meurtriers Babyloniens les fauchèrent en tas, mais ils affrontèrent la mort avec un grand courage, car elle sauvait leurs instruments sacrés de la profanation d'être utilisés devant des idoles et pour l'amour d'idolâtres.
Les lévites qui ont survécu au carnage dont les Fils de Moïse ont été victimes se sont arraché les doigts, et lorsqu'on leur a demandé de jouer, ils ont montré à leurs tyrans des mains mutilées, avec lesquelles il était impossible de manipuler leurs harpes. (55) A la tombée de la nuit, un nuage descendit et enveloppa les Fils de Moïse et tous ceux qui leur appartenaient. Ils étaient cachés à leurs ennemis, tandis que leur propre chemin était éclairé par une colonne de feu. La nuée et la colonne disparurent au lever du jour, et devant les fils de Moïse se trouvait une étendue de terre bordée par la mer sur trois côtés. Pour les protéger complètement, Dieu fit couler le fleuve Sambation sur le quatrième côté. Ce fleuve est plein de sable et de pierres, et pendant les six jours ouvrables de la semaine, ils se jetèrent les uns sur les autres avec une telle véhémence que le fracas et le rugissement s'entendirent de loin en loin. Mais le jour du sabbat (56), le fleuve tumultueux se calma. En guise de protection contre les intrus ce jour-là, une colonne de nuages s'étendit sur toute la longueur du fleuve, et personne ne put s'approcher du Sambation dans un rayon de trois miles. Bien qu'enfermés, les fils de Moïse communiquaient avec leurs frères des tribus de Nephtali, Gad et Asher, qui habitaient près des rives du Sambation. Des pigeons voyageurs apportaient des lettres ici et là.
Dans le pays des Fils de Moïse, il n'y avait que des animaux purs, et à tous égards, les habitants mènaient une vie sainte et pure, digne de leur ancêtre Moïse. Ils ne prêtaient jamais serment et, si l'un d'entre eux venait à le faire, il se voyait immédiatement rappelé le châtiment divin lié à son acte: ses enfants mourraient en bas âge.
Les Fils de Moïse vivèrent en paix et jouirent de la prospérité sur un pied d'égalité grâce à leur foi juive commune. Ils n'eurent besoin ni de prince ni de juge, car ils ne connaissaient ni les querelles ni les litiges. Chacun travaillait au bien-être de la communauté, et chacun ne prenait dans la réserve commune que ce qui lui était nécessaire. Leurs maisons étaient construites à hauteur égale, afin que personne ne se croie au-dessus de son voisin, et que l'air frais ne soit pas empêché de jouer librement autour de chacun. Même la nuit, leurs portes restaient grandes ouvertes, car ils n'avaient rien à craindre des voleurs, et il n'y avait pas d'animaux sauvages dans leur pays. Ils atteignirent tous une bonne vieillesse. Le fils ne mourut jamais avant le père. Lorsqu'un décès survenait, on se réjouissait, car on savait que le défunt était entré dans la vie éternelle par fidélité à sa foi. La naissance d'un enfant, en revanche, suscitait le deuil, car qui peut dire si l'être mis au monde sera pieux et fidèle ? Les morts étaient enterrés près de la porte de leur maison, afin que les survivants, dans leurs allées et venues, se souviennent de leur propre fin. La maladie était inconnue chez eux, car ils ne pèchaient jamais, et la maladie n'est envoyée que pour purifier des péchés. (57)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg