Lecture d'un commentaire (19182)


2R 18,1

Commentaire: HEZEKIAH
Alors que le royaume du Nord descendait rapidement dans le gouffre de la destruction, un puissant élan vers le haut était donné à Juda, à la fois spirituellement et matériellement, par son roi Ézéchias. Dès son enfance, le roi avait été destiné à être sacrifié à Moloch. Sa mère ne l'avait sauvé de la mort qu'en le frottant avec le sang d'une salamandre, ce qui l'avait protégé du feu. (47) A tous égards, il était le contraire de son père. Autant ce dernier est compté parmi les pires pécheurs, autant Ézéchias est compté parmi les plus pieux d'Israël. Son premier acte en tant que roi prouve qu'il tenait l'honneur de Dieu pour sa principale préoccupation et qu'il y attachait plus d'importance que tout le reste. Il refusa d'accorder à son père des obsèques royales ; ses restes furent enterrés comme s'il avait été pauvre et de rang plébéien. Tout impie qu'il était, Achaz ne méritait rien de plus digne. (48) Dieu avait lui-même fait savoir à Ézéchias, par un signe, que son père n'aurait aucun égard pour lui. Le jour des funérailles du roi défunt, la lumière du jour ne dura que deux heures, et il fallut enterrer son corps quand la terre fut enveloppée de ténèbres. (49)
Tout au long de son règne, Ezéchias se consacra principalement à la tâche de dissiper l'ignorance de la Torah que son père avait causée. Alors qu'Achaz avait interdit l'étude de la loi, les ordres d'Ézéchias étaient les suivants: «Celui qui ne s'occupe pas de la Torah s'expose à la peine de mort». Les académies fermées sous Achaz restèrent ouvertes jour et nuit sous Ezéchias. Le roi fournit lui-même l'huile nécessaire à l'éclairage. Peu à peu, grâce à ce système, une génération se forma, si bien que l'on pouvait parcourir le pays depuis Dan jusqu'à Beer-Sheba sans trouver un seul ignorant. Les femmes mêmes et les enfants, garçons et filles, connaissaient les lois du «pur et de l'impur». (50) Pour récompenser sa piété, Dieu accorda à Ézéchias une brillante victoire sur Sennachérib.
Ce roi assyrien, qui avait conquis le monde entier, (51) déploya contre Ézéchias une armée telle qu'il n'en existe aucune, si ce n'est l'armée des quatre rois qu'Abraham mit en déroute, ou l'armée que lèveront Dieu et Magog aux temps messianiques. L'armée de Sennachérib comprenait plus de deux millions et demi de cavaliers, dont quarante-cinq mille princes assis sur des chars et entourés de leurs épouses, quatre-vingt mille soldats en armure et soixante mille avec des sabres. Le camp s'étendait sur un espace de quatre cents parasanges, et les bêtes de selle, debout côte à côte, formaient une ligne longue de quarante parasanges. L'armée était divisée en quatre divisions. Après que la première d'entre elles eut passé le Jourdain, il était presque à sec, car les soldats avaient tous étanché leur soif avec l'eau du fleuve. La deuxième division ne trouva rien d'autre pour étancher sa soif que l'eau recueillie sous les sabots des chevaux. La troisième division fut obligée de creuser des puits, et quand la quatrième division traversa le Jourdain, elle souleva de grands nuages de poussière. (52)
Avec cette vaste armée, Sennachérib se hâta d'avancer, conformément aux indications des astrologues qui l'avaient averti qu'il échouerait dans son entreprise de prise de Jérusalem s'il y arrivait plus tard que le jour fixé par eux. Son voyage n'ayant duré qu'un jour au lieu de dix, comme il l'avait prévu, il se reposa à Nob. Une plate-forme surélevée avait été érigée pour Sennachérib, d'où il pouvait voir Jérusalem. Dès qu'il aperçut la capitale de la Judée, le roi assyrien s'exclama: «Qu'est-ce que c'est que cette Jérusalem, la ville pour laquelle j'ai rassemblé toute mon armée, pour laquelle j'ai d'abord conquis tous les autres pays ? N'est-elle pas plus petite et plus faible que toutes les villes des nations que j'ai soumises de ma main puissante ?» Il s'étira, secoua la tête et agita la main avec mépris en direction du mont du Temple et du sanctuaire qui le couronnait. Lorsque ses guerriers le pressèrent d'attaquer Jérusalem, il leur demanda de prendre leurs aises pour une nuit et de se préparer à prendre la ville d'assaut le lendemain. L'entreprise ne paraissait pas très importante. Chaque guerrier n'aurait qu'à ramasser sur la muraille autant de mortier qu'il en faut pour cacheter une lettre, et la ville entière disparaîtrait. Mais Sennachérib commit l'erreur de ne pas passer directement à l'attaque de la ville. S'il avait donné l'assaut tout de suite, il aurait réussi, car le péché de Saül contre le prêtre de Nob n'avait pas encore été entièrement expié ; le jour même, il l'a été. (53) Dans la nuit suivante, qui était la nuit de la Pâque, quand Ézéchias et le peuple commencèrent à chanter les psaumes du Hallel, (54) l'armée géante fut anéantie. L'archange Gabriel (55), envoyé par Dieu pour faire mûrir les fruits des champs, fut chargé de s'occuper de faire disparaître les Assyriens, et il s'acquitta si bien de sa mission que, de tous les millions de l'armée, Sennachérib seul fut sauvé avec ses deux fils, son gendre (56) Nabuchodonosor, et Nabuzaradan. (57) La mort des Assyriens se produisit lorsque l'ange leur permit d'entendre le «chant des célestes». (58) Leurs âmes furent brûlées, mais leurs vêtements restèrent intacts. (59) Une telle fin était trop belle pour Sennachérib. On lui réserva une mort infamante. Dans sa fuite de Jérusalem, il rencontra une apparition divine sous l'aspect d'un vieillard. Il interrogea Sennachérib sur ce qu'il dirait aux rois alliés, en réponse à leur demande sur le sort de leurs fils à Jérusalem. Sennachérib avoua sa crainte d'une rencontre avec ces rois. Le vieillard lui conseilla de se faire couper les cheveux, ce qui changerait son apparence à l'extrême. Sennachérib accepta et son conseiller l'envoya chercher une paire de ciseaux dans une maison des environs. Il y trouva des anges déguisés qui s'occupaient d'un moulin à bras. Ils lui promirent de lui donner les ciseaux à condition qu'il moudrait une mesure de grain pour eux. Lorsque Sennachérib revint auprès du vieillard, il était tard et il faisait nuit, et il dut se procurer du feu avant de pouvoir couper ses cheveux. Comme il attisait le feu, une étincelle vola dans sa barbe et la brûla, et il dut sacrifier sa barbe en même temps que ses cheveux. De retour en Assyrie, Sennachérib trouva une planche qu'il vénéra comme une idole, car elle faisait partie de l'arche qui avait sauvé Noé du déluge. Il fit le vœu de sacrifier ses fils à cette idole s'il réussissait dans ses prochaines entreprises. Mais ses fils entendirent ses vœux, tuèrent leur père (60) et s'enfuirent à Kardu où ils libérèrent les captifs juifs qui y étaient enfermés en grand nombre. Avec eux, ils Mchèrent vers Jérusalem et y devinrent prosélytes. Les célèbres savants Shemaiah et Abtalion étaient les descendants de ces deux fils de Sennachérib. (61)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg