Lecture d'un commentaire (19107)
Jg 6,11
Commentaire: GIDEON
Enthousiasmé par la victoire sur Sisera, Israël entonne un hymne de louange, le chant de Déborah, et Dieu, pour les récompenser de leurs sentiments pieux, pardonne la transgression du peuple. (92) Mais ils retombèrent bientôt dans leurs anciennes habitudes, et les troubles d'antan les taraudèrent. Ce retour en arrière est dû à la sorcellerie d'un prêtre madianite nommé Aud. Il fit briller le soleil à minuit et convainquit ainsi les Israélites que les idoles de Madian étaient plus puissantes que Dieu, et Dieu les châtia en les livrant aux mains des Madianites. (93) Ils adoraient leurs propres images qui se reflétaient dans l'eau, (94) et ils étaient frappés d'une extrême pauvreté. Ils ne pouvaient apporter que l'offrande d'un repas, l'offrande des pauvres. (95) La veille d'une Pâque, Gédéon se plaignit: «Où sont toutes les merveilles que Dieu a faites pour nos pères en cette nuit où il a tué les premiers-nés des Égyptiens, et où Israël est sorti de l'esclavage le coeur joyeux ?» Dieu lui apparut, et dit: «Toi qui as le courage de défendre Israël, tu mérites qu'Israël soit sauvé à cause de toi.» (96)
Un ange apparut et Gédéon lui demanda un signe pour obtenir la délivrance d'Israël. Il justifia sa demande par le précédent de Moïse, le premier prophète, qui a lui aussi demandé un signe. L'ange lui dit de verser de l'eau sur le rocher, puis lui laissa le choix de la transforMton de l'eau. Gédéon voulut qu'une moitié soit changée en sang et l'autre en feu. C'est ce qui arriva. Le sang et le feu se mêlèrent l'un à l'autre, mais le sang n'éteignit pas le feu, et le feu ne dessécha pas le sang. Encouragé par ce signe et par d'autres, (97) Gédéon entreprit de poursuivre la guerre contre les Madianites avec une troupe de trois cents hommes craignant Dieu, et il réussit. Cent vingt mille cadavres de l'ennemi couvrirent le champ de bataille, et tous les autres s'enfuient précipitamment. (98)
Gédéon eu le privilège d'apporter le salut à Israël parce qu'il était un bon fils. Son vieux père craignait de battre son grain à cause des Madianites, et Gédéon alla le trouver dans les champs et lui dit: «Père, tu es trop vieux pour faire ce travail ; rentre chez toi, et j'achèverai ton travail pour toi. Si les Madianites me surprennent ici, je peux m'enfuir, ce que tu ne peux pas faire à cause de ton âge.» (99)
Le jour où Gédéon remporta sa grande victoire était celui de la Pâque, et le gâteau de pain d'orge qui renversa le camp de l'ennemi, et dont rêva le Madianite, était un signe que Dieu épouserait la cause de son peuple pour le récompenser d'avoir apporté un gâteau de pain d'orge comme 'offrande d'Omer'. (100)
Après que Dieu eut accordé une grande aide à Israël par son intermédiaire, Gédéon fit fabriquer un éphod. Dans le pectoral du grand prêtre, Joseph était représenté parmi les douze tribus par Ephraïm seul, et non par Manassé. Pour effacer cet affront fait à sa propre tribu, Gédéon fit fabriquer un éphod portant le nom de Manassé. Il le consacra à Dieu, mais après sa mort on lui rendit hommage comme à une idole. (101) A cette époque, les Israélites étaient tellement attachés au culte de Belzébuth qu'ils portaient constamment de petites images de ce dieu dans leurs poches, et de temps en temps ils avaient l'habitude de sortir l'image et de l'embrasser avec ferveur. (102) C'est parmi ces idolâtres que se trouvaient les hommes vains et légers qui aidèrent Abimélek, fils de Gédéon et de sa concubine de Sichem, à assassiner les autres fils de son père. Mais Dieu est juste. De même qu'Abimélek a tué ses frères sur une pierre, de même Abimélek lui-même a trouvé la mort dans une meule de moulin. Il était donc juste que Jotham, dans sa parabole, comparât Abimélek à un buisson d'épines, tandis qu'il qualifiait ses prédécesseurs, Othniel, Déborah et Gédéon, d'olivier, de figuier ou de vigne. Ce Jotham, le plus jeune des fils de Gédéon, était plus qu'un conteur de paraboles. Il savait que, longtemps après, les Samaritains revendiqueraient la sainteté du mont Gerizim, en raison de la bénédiction qui en avait été prononcée sur la tribu. C'est pourquoi il choisit Gerizim pour lancer sa malédiction sur Sichem et ses habitants. (103)
Le successeur d'Abimélek l'égalait, voire le surpassait, en méchanceté. Jaïr érigea un autel à Baal et, sous peine de mort, obligea le peuple à se prosterner devant lui. Sept hommes seulement restèrent fermes dans la vraie foi et refusèrent jusqu'au bout de se livrer à l'idolâtrie. Ils s'appelaient Deuel, Abit Yisreel, Jekuthiel, Shalom, Ashur, Jehonadab et Shemiel. (104) Ils dirent à Jaïr: «Nous nous souvenons des leçons que nous ont données nos maîtres et notre mère Déborah. Veillez, disaient-ils, à ce que votre cur ne vous égare ni à droite ni à gauche. Jour et nuit, vous vous consacrerez à l'étude de la Torah. Pourquoi donc cherches-tu à corrompre le peuple du Seigneur en disant: «Baal est Dieu, adorons-le» ? S'il est vraiment ce que tu dis, qu'il parle comme un dieu, et nous lui rendrons un culte. Pour le blasphème qu'ils avaient proféré contre Baal, Jaïr ordonna de brûler les sept hommes. Au moment où ses serviteurs allaient exécuter son ordre, Dieu envoya l'ange Nathanaël, le maître du feu, qui éteignit le feu, mais pas avant que les serviteurs de Jaïr ne soient consumés par le feu. Non seulement les sept hommes échappèrent au danger de mourir par le feu, mais l'ange leur permit de s'enfuir sans être vus, en frappant de cécité toutes les personnes présentes. L'ange s'approcha de Jaïr et lui dit: «Écoute les paroles de l'Éternel avant que tu ne meures. Je t'ai établi prince de mon peuple, et tu as rompu mon alliance, tu as séduit mon peuple, tu as voulu brûler mes serviteurs par le feu, mais ils ont été animés et libérés par le feu vivant, le feu céleste. Quant à toi, tu mourras, et tu mourras par le feu, un feu dans lequel tu demeureras éternellement».
L'ange le brûla avec un millier d'hommes qu'il avait pris pour rendre hommage à Baal. (105)
Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg