Lecture d'un commentaire (19074)


Dt 32,51

Commentaire: L'IRREVOCABLE SENTENCE CONCERNANT LA MORT DE MOISE
Lorsque Dieu, en colère contre Moïse et Aaron, prononça le vœu suivant: «Vous ne ferez donc pas entrer cette assemblée dans le pays que je leur ai donné», Moïse s'abstint d'implorer Dieu de supprimer cette phrase, agissant ainsi conformément au principe suivant: «Ne cherche pas à rompre le vœu de ton prochain au moment même où il l'a prononcé». Moïse attendit quarante ans avant de demander à Dieu de lui permettre d'entrer dans la terre promise avec Israël. Il le fit après avoir reçu l'ordre de Dieu de désigner Josué comme son successeur, car il s'aperçut alors que Dieu avait résolu d'exécuter sa sentence (871) (Dt 3,25). En effet, bien que Dieu ait décrété dix fois que Moïse devait mourir dans le désert, Moïse ne s'en était guère inquiété, même lorsque la résolution avait été scellée dans la cour céleste. Il s'était dit: «Combien de fois Israël a-t-il péché, et quand j'ai prié pour lui, il a annulé le châtiment qu'il avait décrété ; Dieu doit donc accepter ma prière, si moi, qui n'ai jamais péché, je le prie. Moïse avait aussi une raison particulière de penser que Dieu avait changé d'avis à son sujet et ne lui permettrait pas d'entrer dans la terre promise, car il avait été autorisé à entrer dans la partie de la Palestine située de ce côté-ci du Jourdain, le pays de Sihon et d'Og, et il en déduisit que Dieu n'avait pas irrévocablement décrété un châtiment à son encontre. Il fut conforté dans cette hypothèse par le fait qu'après la conquête de la région orientale de la Jordanie, Dieu lui révéla les instructions concernant le partage de la terre, et il lui sembla que c'était lui, en personne, qui devait exécuter ces instructions. Mais il se trompait, car peu après que ces lois lui eurent été révélées, Dieu l'informa qu'il devait regarder la terre promise du haut du mont Abarin, car il n'y entrerait jamais. (874)
Voyant que Moïse ne s'inquiétait guère du châtiment qui l'attendait, Dieu scella l'ordre qu'il lui avait donné et jura par son nom ineffable que Moïse ne Mcherait pas dans le pays. Moïse se vêtit alors d'un sac, se jeta sur la cendre et fit pas moins de mille cinq cents prières pour obtenir l'annulation de la décision divine à son égard. Il traça un cercle autour de lui, se plaça au centre et dit: «Je ne bougerai pas d'ici tant que le jugement n'aura pas été suspendu». Le ciel et la terre, ainsi que toutes les formes de la création, tremblèrent et dirent: «Peut-être est-ce la volonté de Dieu de détruire ce monde, de créer un nouvel univers.» Mais une voix s'éleva du ciel et dit: «La volonté de Dieu de détruire le monde n'est pas encore venue, l'agitation dans la nature est due au fait que 'dans la main de Dieu se trouve l'âme de tout ce qui vit et l'esprit de toute chair', même l'esprit de l'homme Moïse, dont la fin n'est pas proche.»
Dieu leur demanda alors de proclamer dans le ciel et dans toutes les cours de justice célestes qu'ils ne devaient pas accepter les prières de Moïse, et qu'aucun ange ne devait lui porter la prière de Moïse, parce qu'il avait scellé le destin de mort de Moïse. Dieu appela rapidement devant lui l'ange Akraziel, qui est le héraut céleste, et lui demanda de proclamer ce qui suit dans le ciel: «Descendez immédiatement et fermez toutes les portes du ciel, afin que la prière de Moïse n'y monte pas.» Alors, à la prière de Moïse, tremblèrent le ciel et la terre, tous leurs fondements et les créatures qui s'y trouvent, car sa prière était comme une épée qui fend et déchire, et qui ne peut en aucun cas être parée, car elle contenait la puissance du Nom ineffable que Moïse avait appris de son maître Zagzagel, le maître et le scribe des êtres célestes. Lorsque les Galgalim et les Séraphim virent que Dieu n'acceptait pas la prière de Moïse et qu'il n'exauçait pas sa demande de prolongation de la vie sans tenir compte de lui, ils ouvrirent tous la bouche et dirent: «Que la gloire du Seigneur soit louée en son lieu, car il n'y a pas d'injustice devant lui, pas d'oubli, pas d'égards envers le petit ou le grand.» (875)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg