Lecture d'un commentaire (19025)


Nb 13,27

Commentaire: LE RAPPORT CALOMNIEUX
Lorsque Moïse apprit que les espions étaient revenus de leur expédition, il se rendit dans sa grande maison d'étude, où tout Israël s'assemblait aussi, car elle formait un carré de douze milles de côté, où il y avait de la place pour tout le monde (521). C'est là aussi que les espions s'installèrent et qu'on leur demanda de faire leur rapport. Suivant la tactique des calomniateurs, ils commencèrent par vanter le pays, afin de ne pas éveiller les soupçons de la communauté par un rapport trop défavorable. Ils dirent: «Nous sommes venus dans le pays où tu nous as envoyés, et certes il ruisselle de lait et de miel.» Ce n'était pas une exagération, car le miel coulait des arbres sous lesquels paissaient les chèvres; leurs mamelles en distillaient, de sorte que le miel et le lait arrosaient le sol. Mais ils n'employèrent ces mots qu'à titre d'introduction, et ils passèrent ensuite à leur rapport proprement dit, qu'ils avaient élaboré pendant ces quarante jours, et au moyen duquel ils espéraient pouvoir amener le peuple à renoncer à son projet d'entrer en Palestine. Cependant, continuèrent-ils, le peuple qui habite le pays est fort, les villes sont fortifiées et très grandes, et nous y avons vu des enfants d'Anak. Sur ce dernier point, ils dirent un mensonge dans l'intention d'inspirer de la crainte à Israël, car les fils d'Anak habitaient Hébron, où Caleb seul était allé prier sur les tombeaux des Patriarches, (523) au moment même où la Shekinah s'y rendait pour annoncer aux Patriarches que leurs enfants étaient maintenant en route pour prendre possession du pays qui leur avait été promis jadis. Afin d'intensifier au maximum leur crainte des habitants de la Palestine, ils dirent en outre: «Les Amalécites habitent le pays du midi. Ils menaçaient Israël d'Amalek comme on menace un enfant d'une lanière qu'on a utilisée autrefois pour le châtier, car ils avaient fait d'amères expériences avec Amalek. La déclaration concernant Amalek était fondée sur des faits, car bien que le sud de la Palestine n'ait pas été leur patrie à l'origine, ils s'y étaient récemment installés en obéissant à la dernière volonté de leur aïeul Ésaü, qui leur avait demandé d'empêcher Israël d'entrer dans la terre promise. «Mais si vous avez l'intention d'entrer dans le pays par la montagne pour échapper à Amalek, nous vous informons que les Héthiens, les Jébusiens et les Amorites habitent dans la montagne ; et si vous avez l'intention d'y aller par la mer, nous vous informons que les Cananéens habitent au bord de la mer et le long du Jourdain». (525)
Dès que les espions eurent achevé leur rapport, Josué se leva pour les contredire, mais ils ne lui laissèrent pas le temps de parler et l'interpellèrent: «De quel droit te permets-tu de parler, insensé ? Tu n'as ni fils ni filles ; que t'importe donc que nous périssions dans notre tentative de conquête du pays ? Nous, en revanche, nous devons veiller sur nos enfants et nos femmes.» Josué dut donc, bien malgré lui, se taire. Caleb réfléchit alors à la manière dont il pourrait se faire entendre sans être rabroué comme l'avait été Josué.
Caleb avait donné à ses camarades une impression tout à fait fausse sur ses sentiments, car lorsque ceux-ci formèrent le projet d'essayer de faire renoncer Israël à entrer en Palestine, ils l'attirèrent dans leur conseil, et il fit semblant d'être d'accord avec eux, alors qu'il avait déjà résolu d'intercéder en faveur de la Palestine. C'est pourquoi, lorsque Caleb se leva, les espions gardèrent le silence, pensant qu'il allait corroborer leurs dires, ce que ses paroles introductives ne firent que renforcer. Il commença ainsi: «Taisez-vous, je vais vous révéler la vérité. Ce n'est pas tout ce dont nous devons remercier le fils d'Amram». Mais, à la grande surprise des espions, ses paroles suivantes louent Moïse, au lieu de le blâmer. Il dit: «Moïse, c'est lui qui nous a fait monter d'Égypte, qui a séparé a mer en deux pour nous, qui nous a donné la manne à manger.»


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg