Lecture d'un commentaire (18974)


Nb 1,2

Commentaire: LE RECENSEMENT DU PEUPLE
A la vue des rayons qui émanaient du visage de Moïse, le peuple lui dit: «Nous avons été humiliés par Dieu à cause du péché que nous avions commis. Dieu, dis-tu, nous a pardonné et s'est réconcilié avec nous. Toi, Moïse, tu as participé à notre humiliation, et nous voyons qu'il t'a élevé de nouveau, alors que, malgré la réconciliation avec Dieu, nous restons humiliés. Moïse s'adressa alors à Dieu et lui dit: «Quand tu les as humiliés, tu m'as humilié moi aussi ; alors, si tu m'as élevé, tu dois aussi les élever». Dieu répondit: En vérité, comme Je t'ai élevé, Je les élèverai aussi ; enregistre leur nombre, et montre ainsi au monde combien est proche de Mon coeur la nation qui, avant toutes les autres, M'a reconnu comme son roi, en chantant au bord de la mer Rouge: «Voici mon Dieu, et je l'exalterai». Moïse dit alors à Dieu: «Seigneur du monde ! Tu as tant de nations dans Ton monde, mais Tu ne te soucies pas d'enregistrer leur nombre, et Tu ne me demandes de compter qu'Israël.» Dieu répondit: «Toutes ces multitudes ne M'appartiennent pas, elles sont vouées à la destruction de la Géhenne, mais Israël est Ma propriété, et comme un homme apprécie le plus la propriété qu'il a payée le plus cher, ainsi Israël M'est le plus cher, parce que Je l'ai fait Mien au prix de grands efforts.» Moïse dit ensuite à Dieu: «Seigneur du monde ! A notre père Abraham, Tu as fait les promesses suivantes: 'Je rendrai ta descendance semblable aux étoiles du ciel', et maintenant Tu me demandes de dénombrer Israël. Si leur ancêtre Abraham n'a pas pu les compter, comment pourrais-je le faire ? Mais Dieu calme Moïse en lui disant: «Tu n'as pas besoin de les compter, mais si tu veux déterminer leur nombre, additionne la valeur numérique des noms des tribus, et tu obtiendras leur nombre. C'est ainsi que Moïse obtint le nombre total des Juifs, soit soixante myriades moins trois mille, les trois mille ayant été emportés par la peste en punition de leur adoration du veau d'or. D'où la différence entre le nombre lors de la sortie d'Égypte, où Moïse les avait recensés pour la première fois, et le nombre lors du second recensement (Nb 26,1), après les pertes subies du fait de la peste. Dieu traita Israël comme un certain roi avait traité son troupeau: il avait ordonné aux bergers de compter les brebis, ayant apprit que des loups s'étaient glissés parmi elles et en avaient tué quelques-unes, faisant faire ce compte afin de déterminer le montant de sa perte.
Les occasions où, au cours de l'histoire, Israël a été dénombré sont les suivantes: Jacob recensa sa famille en entrant en Égypte (Gn 46,8); Moïse recensa Israël lors de l'exode d'Égypte (Nb 1,2), après l'adoration du veau d'or, lors de la répartition des camps et lors de la distribution de la terre promise (Nb 26,1). Saül institua à deux reprises un recensement du peuple, la première fois lorsqu'il partit contre Nahash, l'Ammonite, (1S 11,8) et la seconde fois lorsqu'il partit en guerre contre Amalek (1S 15,4). Le fait que, lors du premier recensement, chaque homme déposa un caillou pour que les cailloux soient comptés, et que, lors du second recensement, le peuple était si prospère qu'au lieu de déposer un caillou, chaque homme apporta un agneau, est significatif de l'énorme changement dans la prospérité des Juifs sous le règne de Saül. Sous le règne de David, il y eut un recensement qui, n'ayant pas été ordonné par Dieu, eut des conséquences fâcheuses pour le roi et pour le peuple (2S 24,10). Esdras institua le dernier recensement lorsque le peuple revint de Babylone en Terre Sainte (Esd 2,1). En dehors de ces neuf recensements, Dieu comptera lui-même son peuple dans les temps futurs où son nombre sera si grand qu'aucun mortel ne pourra le dénombrer. (314)
Au temps de Moïse, lors du deuxième recensement, il y avait une offrande au sanctuaire: chaque personne âgée de plus de vingt ans devait offrir la moitié d'un sicle (Ex 30,12). Car Dieu dit à Moïse: «Ils méritent la mort pour avoir fait le veau d'or, mais que chacun offre à l'Éternel de l'argent en expiation pour son âme, et qu'il se rachète ainsi de la peine capitale.» Lorsque le peuple entendit cela, il fut très attristé, car il pensait: «C'est en vain que nous nous sommes efforcés de prendre du butin aux Égyptiens, si nous devons offrir nos biens durement gagnés en guise de monnaie d'expiation. La loi prescrit qu'un homme doit payer cinquante sicles d'argent pour avoir déshonoré une femme, et nous, qui avons déshonoré la parole de Dieu, nous devrions payer au moins une somme équivalente. La loi stipule en outre que si un taureau tue un serviteur, son propriétaire devra payer trente sicles d'argent. Chaque Israélite devrait donc s'acquitter d'une telle somme, car «nous avons changé notre gloire en un taureau qui mange de l'herbe». Mais ces deux amendes ne suffiraient pas, car nous avons calomnié Dieu, celui qui nous a fait sortir d'Égypte, en criant au veau: «Voici ton dieu, qui t'a fait sortir d'Égypte», et la calomnie est punie par la loi de cent sicles d'argent. Dieu, qui connaît leurs pensées, dit à Moïse: «Demande-leur pourquoi ils ont peur. Je ne leur demande pas de payer une amende aussi élevée que celle de celui qui déshonore ou séduit une femme, ni la peine du calomniateur, ni celle du propriétaire d'un taureau sanguinaire, je ne leur demande que ceci», et il montra à Moïse, au feu, une petite pièce de monnaie qui représentait la valeur d'un demi-sicle. Cette pièce, chacun de ceux qui avaient traversé la mer Rouge devait la donner en offrande.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles Dieu a demandé en particulier la valeur d'un demi-sicle comme pénalité. Comme ils avaient commis leur péché, l'adoration du veau d'or, au milieu, c'est-à-dire à la moitié de la journée, ils devaient payer la moitié d'un sicle ; et, en outre, comme ils avaient commis leur péché à la sixième heure de la journée, ils devaient payer un demi-sicle, qui correspond à six grains d'argent. Ce demi-sicle contient cent garhs, ce qui correspond à l'amende infligée à ceux qui ont enfreint les dix commandements. Le demi-sicle devait aussi servir d'expiation pour la faute commise par les dix fils de Jacob, qui avaient vendu leur frère Joseph comme esclave, et pour laquelle chacun avait reçu un demi-sicle comme part. (315)


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg