Lecture d'un commentaire (18938)


Ex 12,12

Commentaire: L'ÉCRASEMENT DES PREMIERS-NÉS
Lorsque Moïse annonça la mise à mort des premiers-nés, les victimes désignées se rendirent toutes auprès de leurs pères, et dirent: «Ce que Moïse a prédit s'est accompli. Laissez partir les Hébreux, sinon nous mourrons tous.» Les pères répondirent: «Il vaut mieux qu'un sur dix d'entre nous meure, plutôt que les Hébreux n'exécutent leur dessein.» Les premiers-nés se rendirent auprès de Pharaon pour l'inciter à renvoyer les enfants d'Israël. Loin d'accéder à leur désir, il ordonna à ses serviteurs de se jeter sur les premiers-nés et de les battre, pour les punir de leur présomptueuse demande. Voyant qu'ils ne pouvaient arriver à leur fin par des moyens doux, ils essayèrent de l'obtenir par la force (211).
Pharaon et tous ceux qui s'opposaient aux souhaits des premiers-nés étaient d'avis que la perte d'un pourcentage aussi insignifiant de la population était une question de peu d'importance. Ils se trompaient dans leurs calculs, car le décret divin incluait non seulement les fils premiers-nés, mais aussi les filles premières-nées, et non seulement les premiers-nés des mariages alors existants, mais aussi les premiers-nés issus des alliances précédentes des pères et des mères, et comme les Égyptiens menaient une vie dissolue, il n'était pas rare que chacun des dix enfants d'une même femme soit le premier-né de son père. Enfin, Dieu décréta que la mort frapperait l'aîné de chaque famille, qu'il soit ou non le premier-né de ses parents (212). Ce que Dieu décide est exécuté. A l'instant précis marquant le milieu de la nuit, si précis que Dieu seul pouvait le déterminer et le discerner, il apparut en Égypte, accompagné de neuf mille myriades d'anges destructeurs, formés tantôt de grêle, tantôt de flammes, et dont le regard fait trembler de terreur le cœur de celui qui les contemple. Ces anges allaient se précipiter dans l'œuvre d'anéantissement, mais Dieu les retint en disant: «Ma colère ne s'apaisera pas tant que je n'aurai pas moi-même exercé ma vengeance sur les ennemis d'Israël» (213).
Ceux des Égyptiens qui ajoutèrent foi aux paroles de Moïse, et qui voulurent soustraire à la mort leurs premiers-nés, les envoyèrent chez leurs voisins hébreux, pour passer avec eux la nuit fatale, dans l'espérance que Dieu soustrairait à la peste les maisons des enfants d'Israël (214). Mais au Mtn, quand les Israélites se levèrent de leur sommeil, ils trouvèrent à côté d'eux les cadavres des fugitifs égyptiens (214). C'est au cours de cette nuit-là que les Israélites prièrent avant de s'endormir: « Fais-nous reposer en paix, Seigneur notre Dieu, éloigne Satan de chez nous; veille à ce que nous sortions et que nous entrions dans la vie en paix « (215), car c'est Satan qui avait provoqué une effroyable effusion de sang chez les Égyptiens (216).
Parmi les morts, il y avait, outre les premiers-nés égyptiens, les premiers-nés d'autres nationalités résidant en Égypte, ainsi que les premiers-nés égyptiens résidant hors de leur pays (217). Même les premiers-nés morts depuis longtemps ne furent pas épargnés. Les chiens tirèrent leurs cadavres de leurs tombes dans les maisons, car la coutume égyptienne est d'enterrer les morts à la maison. Devant ce spectacle effroyable, les Égyptiens se lamentaient comme si le deuil venait de les frapper. Les monuments et les statues érigés à la mémoire des premiers-nés morts étaient transformés en poussière, qui se dispersait et s'envolait. Leurs esclaves devaient également partager le sort des Égyptiens, et même les premiers-nés des prisonniers des forteresses, car si misérable qu'il fussent, ils haïssaient les Hébreux, et s'étaient réjouis quand les Égyptiens avaient décrété leur persécution (218). Les femmes esclaves qui broyaient le blé entre les meules avaient l'habitude de dire: «Nous ne regrettons pas notre servitude, si seulement les Israélites sont aussi bâillonnés (219)».
En châtiant ces étrangers dans le pays d'Égypte, Dieu montra qu'il était à la fois le maître du pays et le Seigneur de tous les dieux des nations, car si les esclaves et les captifs de guerre n'avaient pas été frappés, ils auraient dit: « Puissant est notre dieu, qui nous a aidés dans ce fléau « (220) ; c'est pour la même raison que toutes les idoles des Égyptiens furent balayées en cette nuit. Les idoles de pierre furent réduites en poussière, les idoles de bois pourrirent, celles de métal fondirent (221), et ainsi les Égyptiens furent empêchés d'attribuer leur châtiment à la colère de leurs propres dieux. De même, le Seigneur Dieu fit périr les premiers-nés du bétail, car les Égyptiens rendaient un culte aux animaux, et c'est à eux qu'ils auraient attribué leurs malheurs. Par tous ces moyens, le Seigneur leur montra que leurs dieux n'étaient que vanité.


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg