Lecture d'un commentaire (18823)


Gn 24,3

Commentaire: LA MISSION D'ELIEZER
La mort de Sara porta à Abraham un coup dont il ne se remit pas. Tant qu'elle était en vie, il se sentait jeune et vigoureux, mais après qu'elle eut disparu, la vieillesse le rattrapa soudain (271). C'est lui-même qui plaida pour que l'âge soit trahi par des signes et des indices appropriés. Avant l'époque d'Abraham, un vieillard ne se distinguait pas extérieurement d'un jeune homme, et comme Isaac était l'image de son père, il arrivait fréquemment que le père et le fils soient pris l'un pour l'autre, et qu'une demande destinée à l'un soit préférée à l'autre. Abraham pria donc pour que la vieillesse ait des marques qui la distinguent de la jeunesse, et Dieu accéda à sa demande, et depuis l'époque d'Abraham, l'apparence des hommes change dans la vieillesse. C'est là un des sept grands prodiges qui se sont produits dans le cours de l'histoire (272).
La bénédiction de Dieu n'a pas non plus abandonné Abraham dans sa vieillesse. Afin que l'on ne puisse pas dire qu'elle lui a été accordée uniquement pour l'amour de Sarah, Dieu l'a également fait prospérer après la mort de cette dernière. Agar lui donna une fille, Ismaël se repentit de sa mauvaise conduite et se subordonna à Isaac. Et si Abraham connut un bonheur sans faille dans sa famille, il en fut de même à l'extérieur, dans le monde. Les rois de l'Orient et de l'Occident se pressaient à la porte de sa maison pour profiter de sa sagesse. À son cou était suspendue une pierre précieuse qui avait le pouvoir de guérir les malades qui la regardaient. À la mort d'Abraham, Dieu l'attacha à la roue du soleil. La plus grande bénédiction dont il ait joui, et dont personne n'ait joui en dehors de son fils Isaac et de Jacob, fils d'Isaac, c'est que le mauvais penchant n'avait aucun pouvoir sur lui, de sorte que dans cette vie il avait un avant-goût du monde futur (273).
Mais toutes ces bénédictions divines sur Abraham n'étaient pas imméritées. Il avait les mains propres et le cœur pur, il n'élevait pas son âme vers la vanité (274).
Il accomplit tous les commandements qui furent révélés plus tard, même les injonctions rabbiniques, comme, par exemple, celle qui concerne les limites du voyage d'un jour de sabbat, et sa récompense fut que Dieu lui révéla les nouveaux enseignements qu'il exposait quotidiennement dans l'académie céleste (275).
Mais il manquait une chose pour compléter le bonheur d'Abraham: le mariage d'Isaac. Il appela donc auprès de lui son vieux serviteur Éliézer. Eliezer ressemblait à son maître non seulement extérieurement, par son aspect, mais aussi spirituellement. Comme Abraham, il possédait un plein pouvoir sur le mauvais penchant (276), et comme le maître, le serviteur était un adepte de la loi (277) Abraham prononça les paroles suivantes à Eliezer: «J'ai été frappé par l'âge, et je ne sais pas quel sera le jour de ma mort. Prépare-toi donc à aller dans mon pays et dans ma famille, et à y chercher une femme pour mon fils» (278). Il parla ainsi en raison de la résolution qu'il avait prise immédiatement après le sacrifice d'Isaac sur le Moriah, car il avait dit en lui-même que si le sacrifice avait été exécuté, Isaac serait parti sans enfant. Il était même prêt à choisir une femme pour son fils parmi les filles de ses trois amis, Aner, Eshcol et Mamré, parce qu'il les savait pieuses et qu'il n'attachait pas beaucoup d'importance à la noblesse. Dieu lui adressa la parole et lui dit: «Ne te préoccupe pas d'une fille, mais d'un homme: «Abraham apprit que Milca, femme de son frère Nachor, qui était restée sans enfants jusqu'à la naissance d'Isaac, avait été rappelée par Dieu et rendue féconde. Elle enfanta Béthuel, qui à son tour, au moment du sacrifice d'Isaac, engendra la fille destinée à être la femme d'Isaac (280).
Conscient du proverbe « Même si le blé de chez toi est de l'ivraie, utilise-le pour la semence «, Abraham décida de prendre une femme de sa propre famille pour Isaac. Il argua du fait que toute femme qu'il choisirait devrait devenir une prosélyte, et qu'il serait préférable d'utiliser sa propre souche, qui avait le premier droit sur lui (281).
Éliézer dit à son maître: «Peut-être qu'aucune femme ne voudra me suivre dans ce pays: Puis-je donc marier ma fille à Isaac ? «Non, répondit Abraham, tu es de la race maudite, et mon fils est de la race bénie, et la malédiction et la bénédiction ne peuvent s'unir. (282) Mais garde-toi de ramener mon fils dans le pays d'où je suis venu, car si tu le ramenais là, ce serait comme si tu l'emmenais en enfer. Celui qui m'a pris dans la maison de mon père, qui m'a parlé, qui m'a juré à Haran, et lors de l'alliance des pièces, qu'il donnerait ce pays à ma postérité, enverra son excellent ange devant toi, et tu prendras de là une femme pour mon fils.» Eliézer jura alors à son maître ce qu'il en était, et Abraham lui fit prêter serment par le signe de l'alliance (284).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg