Lecture d'un commentaire (18812)


Gn 18,23

Commentaire: ABRAHAM PLAIDE POUR LES PÉCHEURS
Dieu, voyant qu'il n'y avait pas de juste parmi les habitants des villes pécheresses, et qu'il n'y en aurait pas non plus parmi leurs descendants, grâce aux mérites desquels ils pourraient être traités avec indulgence, résolut de les anéantir tous et chacun. Mais avant d'exécuter le jugement, le Seigneur fit connaître à Abraham ce qu'il ferait de Sodome, de Gomorrhe et des autres villes de la plaine; car elles faisaient partie de Canaan, la terre promise à Abraham, et c'est pourquoi Dieu dit: «Je ne les détruirai pas sans le consentement d'Abraham» (159).
Comme un père compatissant, Abraham implore la grâce de Dieu en faveur des pécheurs. Il s'adressa à Dieu et lui dit: «Tu as juré que toute chair ne serait plus exterminée par les eaux du déluge. Est-il normal que tu te soustraies à ton serment et que tu détruises les villes par le feu ? Le juge de toute la terre ne ferait-il pas justice lui-même ? En vérité, si tu veux conserver le monde, tu dois abandonner la ligne stricte de la justice. Si Tu insistes sur le seul droit, il ne peut y avoir de monde». Dieu dit alors à Abraham: «Tu te plais à défendre mes créatures, et tu ne veux pas les traiter de coupables. C'est pourquoi je n'ai parlé qu'avec toi pendant les dix générations qui se sont succédé depuis Noé» (160). Abraham se risqua à employer des mots encore plus forts pour assurer la sécurité des impies. «Que ce soit loin de toi, dit-il, de faire mourir le juste avec le méchant, que les habitants de la terre ne disent pas: «C'est son métier de détruire cruellement les générations des hommes ; car il a détruit la génération d'Enosh, puis celle du déluge, et ensuite il a envoyé la confusion des langues ; il s'en tient toujours à son métier.»
Dieu lui répondit: «Je laisserai passer devant toi toutes les générations que j'ai détruites, afin que tu voies qu'elles n'ont pas subi le châtiment extrême qu'elles méritaient. Mais si tu penses que je n'ai pas agi avec justice, instruis-moi de ce que je dois faire, et je m'efforcerai d'agir conformément à tes paroles.» Abraham dut admettre que Dieu n'avait en rien diminué la justice due à toute créature dans ce monde ou dans l'autre (161) ; il continua néanmoins à parler, et il dit: «Tu détruiras les villes, s'il y a cinquante justes dans chacune d'elles. Dieu répondit: «Non, si j'y trouve cinquante justes, je ne détruirai pas les villes» (162).
Abraham: « J'ai pris sur moi de parler au Seigneur, moi qui serais depuis longtemps réduit en poussière de terre par Amraphel et en cendres par Nemrod, si ce n'était par Ta grâce (163). Peut-être manquera-t-il cinq des cinquante justes pour Zoar, la plus petite des cinq villes. Détruiras-Tu toute la ville parce qu'il n'y en a pas cinq ?
Dieu: «Je ne la détruirai pas, si j'y trouve quarante-cinq.»
Abraham: «Peut-être y a-t-il dix pieux dans chacune des quatre villes, alors pardonne à Zoar dans ta grâce, car ses péchés ne sont pas aussi nombreux que ceux des autres.»
Dieu accéda à sa demande, mais Abraham continua à plaider et demanda si Dieu ne serait pas satisfait s'il n'y avait que trente justes, dix dans chacune des trois plus grandes villes, et s'il pardonnerait aux deux plus petites, même s'il n'y avait pas de justes à l'intérieur, dont les mérites intercéderaient pour elles. Le Seigneur l'accorda aussi, et il promit en outre de ne pas détruire les villes si l'on n'y trouvait que vingt justes ; oui, Dieu concéda qu'il préserverait les cinq villes pour l'amour de dix justes qui s'y trouvaient. Abraham ne demanda pas davantage, car il savait que huit justes, Noé et sa femme, ses trois fils et leurs femmes, n'avaient pas suffi à conjurer le sort de la génération du déluge, et il espérait en outre que Lot, sa femme et leurs quatre filles, ainsi que les maris de leurs filles, complèteraient le nombre des dix. Ce qu'il ne savait pas, c'est que même les justes de ces villes chargées de péchés, bien que meilleurs que les autres, étaient loin d'être bons (165).
Abraham ne cessa de prier pour la délivrance des pécheurs, même après que la Shekinah se fut éloignée de lui. Mais ses supplications et ses intercessions furent vaines (166). Pendant cinquante-deux ans, Dieu a averti les impies, il a fait trembler les montagnes, mais ils n'ont pas écouté la voix de l'avertissement. Dieu pardonne tous les péchés, mais pas une vie immorale. Et comme tous ces pécheurs menaient une vie de débauche, ils furent brûlés par le feu (168).


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg