Lecture d'un commentaire (18798)


Gn 11,26

Commentaire: LE PRÉDICATEUR DE LA VRAIE FOI
Lorsque Abram eut atteint l'âge de vingt ans, son père Térah tomba malade. Il parla ainsi à ses fils Haran et Abram: «Je vous adjure par votre vie, mes fils, de vendre ces deux idoles pour moi, car je n'ai pas assez d'argent pour faire face à nos dépenses.» Haran exécuta la volonté de son père, mais si quelqu'un accostait Abram pour lui acheter une idole et lui en demandait le prix, il répondait: «Trois manehs» et demandait à son tour: «Quel âge as-tu ?». «Trente ans», lui aurait-on répondu. «Tu as trente ans, et tu veux encore adorer cette idole que je n'ai fabriquée qu'aujourd'hui ?» L'homme s'en allait, et un autre s'approchait d'Abram et demandait: «Combien vaut cette idole ?» On répondait: «Cinq manehs», et Abraham posait de nouveau la question: «Quel âge as-tu ?» - «Cinquante ans» - «Et toi, qui as cinquante ans, te prosternerais-tu devant cette idole qui n'a été faite qu'aujourd'hui ?» L'homme s'éloigna et s'en alla. Abram prit alors deux idoles, leur passa une corde au cou, et, le visage tourné vers le bas, il les traîna sur le sol, en criant toujours à haute voix: «Qui achètera une idole qui ne rapporte rien, ni à elle-même, ni à celui qui l'achète pour l'adorer ? Elle a une bouche, mais elle ne parle pas ; des yeux, mais elle ne voit pas ; des pieds, mais elle ne marche pas ; des oreilles, mais elle n'entend pas.»
Les gens qui entendirent Abram furent très étonnés de ses paroles. Comme il allait par les rues, il rencontra une vieille femme qui s'approcha de lui dans le but d'acheter une idole, bonne et grande, pour qu'elle soit adorée et aimée. «Vieille femme, vieille femme, dit Abraham, je n'y vois aucun avantage, ni pour les grandes, ni pour les petites, ni pour elles-mêmes, ni pour les autres. Et, continua-t-il, qu'est devenue la grande statue que tu as achetée à mon frère Haran pour l'adorer ? «Des voleurs, répondit-elle, sont venus la nuit et l'ont dérobée, alors que j'étais encore au bain. «S'il en est ainsi, continua Abram en l'interrogeant, comment peux-tu rendre hommage à une idole qui ne peut se sauver elle-même des voleurs, et encore moins sauver les autres, comme toi, vieille femme stupide, de l'infortune ? Comment peux-tu dire que l'image que tu adores est un dieu ? Si c'est un dieu, pourquoi ne s'est-elle pas sauvée elle-même des mains de ces voleurs ? Non, l'idole ne profite ni à elle-même ni à celui qui l'adore» (26).
La vieille femme répliqua: «Si ce que tu dis est vrai, qui dois-je servir ?» «Sers le Dieu de tous les dieux, reprit Abram, le Seigneur des seigneurs, qui a créé le ciel et la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve, le Dieu de Nemrod et le Dieu de Térah, le Dieu de l'orient, de l'occident, du midi et du septentrion. Qui est Nemrod, le chien, qui se prend pour un dieu, afin qu'on lui rende un culte ?
Abram réussit à ouvrir les yeux de la vieille femme, qui devint une missionnaire zélée du vrai Dieu. Lorsqu'elle découvrit les voleurs qui avaient emporté son idole et qu'ils la lui rendirent, elle la brisa avec une pierre et, tout en parcourant les rues, elle s'écria à haute voix: «Celui qui veut sauver son âme de la destruction et prospérer dans toutes ses entreprises, qu'il serve le Dieu d'Abram.» C'est ainsi qu'elle convertit de nombreux hommes et femmes à la vraie foi.
Des rumeurs concernant les paroles et les actes de la vieille femme parvinrent au roi, qui la fit appeler. Lorsqu'elle se présenta devant lui, il la réprimanda sévèrement et lui demanda comment elle osait servir un autre dieu que lui. La vieille femme répondit: «Tu es un menteur, tu nies l'essence de la foi, le Dieu unique, en dehors duquel il n'y a pas d'autre dieu. Tu vis de sa générosité, mais tu en adores un autre, tu le renies, tu renies ses enseignements, tu renies Abram, son serviteur.
La vieille femme dut payer de sa vie son zèle pour la foi. Cependant, Nemrod était saisi d'une grande crainte et d'une grande terreur, car le peuple s'attachait de plus en plus aux enseignements d'Abram, et il ne savait que faire de cet homme qui minait l'ancienne foi. Sur les conseils de ses princes, il organisa une fête de sept jours, au cours de laquelle tout le peuple fut invité à se présenter dans ses habits d'apparat, ses vêtements d'or et d'argent. Par cet étalage de richesse et de puissance, il comptait intimider Abram et le ramener à la foi du roi. Par l'intermédiaire de son père Térah, Nemrod invita Abram à se présenter devant lui, afin qu'il ait l'occasion de voir sa grandeur et ses richesses, la gloire de sa domination et la multitude de ses princes et de ses serviteurs. Abram refusa de se présenter devant le roi. En revanche, il accéda à la demande de son père, qui souhaitait qu'en son absence il s'assoie près de ses idoles et de celles du roi, et qu'il en prenne soin.
Seul avec les idoles, et tout en répétant les mots «L'éternel est Dieu, l'éternel est Dieu», il frappa les idoles du roi de leurs trônes et commença à les frapper avec une hache. Il commença par les plus grandes et termina par les plus petites. Il coupa les pieds de l'une, et décapita l'autre. Après les avoir toutes mutilées, il s'en alla, ayant d'abord mis la hache dans la main de la plus grande des idoles.
Le festin terminé, le roi revint et, voyant toutes ses idoles réduites en miettes, il s'enquit de l'auteur de ce méfait. Le roi le convoqua et l'interrogea sur les raisons qui l'avaient poussé à commettre cet acte. Abram répondit: «Ce n'est pas moi qui l'ai fait; c'est la plus grande des idoles qui a brisé toutes les autres. Ne vois-tu pas qu'il a encore la hache à la main ? Et si tu ne veux pas croire à mes paroles, interroge-le et il te le dira.»


Source: Les légendes des Juifs - Louis Ginzberg