Lecture d'un commentaire (17148)


Jn 15,22

Commentaire: Jésus-Christ a parlé aux Juifs, et non aux autres peuples. C'est donc dans les Juifs qu'il a voulu personnifier ce monde qui hait Jésus-Christ et ses disciples, et ce ne sont pas seulement les Juifs, c'est nous-mêmes qu'il veut désigner ici sous le nom de monde. Mais est-ce donc que les Juifs, à qui le Christ a parlé, étaient sans péché avant qu'il fût venu au milieu d'eux dans un corps mortel? Non, sans doute; le Sauveur, sous le nom général de péché, ne veut point qu'on comprenne toutes sortes de péchés, mais un péché plus grand que tous les autres, un péché auquel se rattachent tous les autres péchés, un péché sans lequel tous les autres peuvent être remis, c'est le péché d'incrédulité à l'égard de Jésus-Christ, qui est venu afin que tous croient en lui. Or, s'il n'était pas venu, ils ne seraient pas coupables de ce péché; car autant son avènement a été salutaire à ceux qui ont cru en lui, autant il a été funeste à ceux qui ont refusé de croire. «Mais maintenant ils n'ont point d'excuse de leur péché». On peut ici se demander si ceux vers qui Jésus-Christ n'est pas venu, qui n'ont point entendu sa parole, ont une excuse de leur péché; car s'ils n'en ont point, pourquoi le Sauveur dit-il que les Juifs n'ont point d'excuse? parce que Jésus-Christ est venu et qu'il leur a parlé. Et, s'ils ont une excuse, pourra-t-elle les soustraire au châtiment, ou du moins adoucir celui qu'ils auraient mérité? Je réponds à cette question qu'ils sont excusables non point de tout péché, mais du péché d'incrédulité à l'égard de Jésus-Christ. Quant à ceux vers qui il est venu dans la personne de ses disciples, ils ne sont point de ce nombre, et on ne peut les ranger avec ceux dont le châtiment sera moins rigoureux, eux qui ont refusé absolument de recevoir la loi de Jésus-Christ, et qui, autant que cela dépendait d'eux, auraient voulu l'anéantir. Cette excuse peut encore être apportée par ceux qui ont été prévenus par la mort avant d'avoir entendu annoncer l'Évangile de Jésus-Christ; mais ils ne peuvent cependant pas échapper à la damnation, car tous les hommes qui ne seraient point sauvés par le Sauveur, qui est venu chercher ce qui avait péri, feraient sans aucun doute partie des réprouvés; bien qu'on puisse admettre que le châtiment des uns sera plus léger, et celui des autres plus rigoureux. En effet, on périt véritablement aux yeux de Dieu, lorsqu'on est séparé par un châtiment éternel de cette félicité qu'il donne à ses saints. La différence des supplions entre eux répond donc à la variété multiple des péchés. Comment cela se fait-il? La profondeur des jugements de la sagesse divine est ici au-dessus de toute conjecture comme de toute parole humaine.


Source: Saint Augustin (Peronne-Vivès 1868)