Lecture d'un commentaire (1618)


2S 24,1

Commentaire: Le recensement était fort mal vu des anciens nomades, jaloux de leur indépendance, pas encore habitués aux contraintes administratives propres d’une nation. Pour eux ce n’était que le prélude à la conscription et aux levées d’impôts. Par ailleurs entre en jeu l’idée qu’Israël n’a d’autre roi que Dieu ; enregistrer les personnes, c’est s’arroger un droit qui n’appartient qu’à Dieu : cette conviction faisait la force d’un courant qui, tout au long de la royauté, a critiqué la monarchie. Les recensements attribués à Moïse dans les Nombres ne font que renforcer leur caractère sacré. Ce début du récit trahit une vision des événements dans laquelle on souligne que tout ce qui arrive servira finalement le plan de Dieu. C’est ainsi que Dieu pousse David à prendre une initiative qui est une faute. La faute de David sera l’instrument de Dieu pour châtier les fautes d’Israël. Si l’on avait interrogé l’auteur, il n’aurait pas manqué de préciser que Dieu ne nous conduit pas au péché, mais il ne pouvait pas donner en deux lignes un traité de la liberté humaine face à la prescience divine. Les expressions cependant ont choqué un autre auteur de la Bible, celui des Chroniques, lequel a mis Satan à la place de Dieu ( 1Chroniques 21.1). L’aisance avec laquelle il a substitué l’un à l’autre nous invite à repenser deux points. D’une part notre propre incapacité pour situer Dieu dans les événements apparemment fortuits qui ont construit notre vie, tout comme dans les décisions que nous croyions bonnes et qui ont été désastreuses. Et puis cette autre énigme : où est la vérité de l’Écriture ? Parmi les livres de la Bible, celui de Samuel est l’un de ceux qui nous donnent le plus volontiers deux versions du même fait, deux lectures d’une même évolution. Il nous confirme dans l’idée que l’Écriture bien souvent ne nous donne pas une vérité toute faite : elle nous oblige bien plutôt à penser et à discerner.


Source: Bible des peuples