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1Th 2,15

Commentaire: Ce paragraphe a mis mal à l’aise bien des chrétiens au cours de ces dernières années. Certains ont imaginé qu’il avait été inséré par un inconnu hostile aux Juifs après la ruine de Jérusalem qui serait visée en 2.16. D’autres veulent supprimer la coupure entre 14 et 15 et traduisent : …par les Juifs qui ont tué Jésus et les prophètes… ce qui réduirait la malédiction à quelques personnes. Il est facile de voir que Paul fait une généralisation aussi rapide que quand il accuse tous les non-Juifs de se laisser entraîner par leurs passions (4.5). En réalité il n’a en vue que le courant fanatique qui le persécute et qui est de toutes les époques. Pourtant c’est le moment de mettre le doigt sur cette violence que Paul partageait avec un grand nombre de ses contemporains, à commencer par le monde juif. Elle se manifeste clairement dans la littérature dite apocalyptique, en attente du jour où les mauvais seront détruits.
Au lieu de se scandaliser, il vaut mieux éclairer les situations :
1. Toute la Bible nous parle d’un jugement à venir. Cette attente vient d’une conscience forte de la justice de Dieu, de la responsabilité de l’homme devant Dieu et de la réalité du péché.
2. Toute la Bible s’appuie sur une Parole de Dieu qu’on ne peut mettre en doute et qui s’impose à tous.
3. Tout l’Évangile est conscient d’être la dernière parole, l’espérance suprême, le salut universel.
4. Comme le dit Qohélet, le mal se propage dans le monde parce que le pécheur n’est pas immédiatement puni, et la majorité voit que le chemin du mal est facile et profitable. De même la prédication trouvera difficilement des auditeurs si elle ne montre pas clairement le profit qu’elle offre. Comme la foi ne donne pas immédiatement des résultats matériels appréciables, il n’est pas inutile de faire voir au peuple fidèle la perdition à laquelle courent ceux qui ne croient pas.
5. Comme la Bible se tait sur le salut possible des non croyants, il était pratiquement impossible aux croyants de joindre ces deux vérités : le salut chrétien est unique, irremplaçable, définitif, et cette autre : Dieu aime et sauve les hommes de toute religion.
Dans ces conditions, les prédicateurs chrétiens ne pouvaient faire autrement que d’imaginer et de souligner dans leur prédication l’immoralité de ceux qui s’opposent à leur message, les châtiments qui les attendent. Ils devaient donner du monde une vision en noir et blanc. Ils s’obligeaient eux-mêmes à ne pas voir le bien qui se fait hors de l’Église ou, s’ils le voyaient, cela ne devait pas entrer dans leur vision du monde. Refuser l’enterrement chrétien à des enfants non-baptisés, c’était une violence sur le plan moral, l’affirmation qu’ils étaient condamnés ; convertir de force les païens, dénigrer les religions non-chrétiennes, vouloir imposer par la loi ce que demandait la morale chrétienne, ce en était une autre. Un retournement de la conscience chrétienne était nécessaire pour dépasser cette violence. Nous parlons d’une conversion de Paul dans la note sur les Lettres de la Captivité. Cette révolution a frappé les chrétiens du monde occidental au cours du 20ème siècle et elle en a démoralisé un grand nombre (voir l’Introduction à Jonas).


Source: Bible des peuples